Chroniques

par bertrand bolognesi

Charpentier, Corelli, Couperin et Scarlatti
déplorations de la Semaine sainte

Grands Concerts Sacrés / Oratoire du Louvre, Paris
- 6 et 10 avril 2009
Martin Gester joue les Leçons de Ténèbres à l'Oratoire du Louvre (Paris)
© dr

Comme il se doit, les Grands Concerts Sacrés ponctuent cette Semaine sainte de plusieurs rendez-vous parisiens de circonstance. Pas de Passions à l’Oratoire du Louvre, mais trois soirées de Ténèbres. Si mercredi était tourné vers Charpentier et ses touchantes déplorations, les lamentations italiennes et françaises étaient explorées lundi par un programme Scarlatti et par un menu Couperin vendredi.

Un soir de Vendredi saint plongé dans l’obscurité invitant à la méditation, à la réception la moins résistante, comme prescrit. « L’office qui se chante le soir du mercredi, jeudi et vendredi de la Semaine Sainte est communément appelé Ténèbres, parce qu’il se faisait autrefois dans les ténèbres de la nuit. Cet office est composé de tout ce que les prophètes et les saints Pères ont dit de plus touchant sur les douleurs du Fils de Dieu souffrant et expirant pour le salut des hommes… C’est un usage de mettre devant l’autel pendant les Ténèbres un candélabre chargé de quinze cierges que l’on éteint un à un à la fin de chaque psaume et dont on réserve seulement le dernier, que l’on tient caché derrière l’autel, pendant les prières que l’on récite à la fin de l’office, et qui reparaît allumé quand tout est achevé », indique l’Office de la Semaine Sainte de 1731 (cité par Yutha Tep dans l’un des programmes de salle).

Dans le strict respect de ce qui précède, Nathalie Perrier a imaginé d’installer dans le noir les musiciennes de l’ensemble Amarillis et les deux chanteuses qui les rejoignent. Simple, l’idée se justifie pleinement, quoi qu’elle interroge immanquablement l’écho d’un tel concert auprès d’un public qui n’est peut-être venu qu’entendre un moment de musique plutôt que de prier. Certes, cette musique-là – précisément la Trois Leçons de Ténèbres du Mercredi saint de François Couperin et le Lauda Jerusalem de Jean-Baptiste Morin – ne prend sens qu’en sa destination. Mais il s’avère qu’à la trop enrubanner de ce qui pourrait sembler un souvenir folklorique, on en confit la réception dans une dévotion qui n’est pas forcément l’affaire de tout un chacun.

En rien cela nuisit aux interprétations qu’il fut donné d’entendre ce vendredi. La grâce de l’articulation instrumentale et l’autorité de deux chants – ceux de Jaël Azzaretti et de Cassandre Berthon – servirent sensiblement les œuvres choisies, qu’il s’agisse des Ténèbres citées ou des extraits des Concerts royaux de Couperin.

Tout autre se présentait la soirée italienne donnée lundi.
Ouverte par une Sonate d’église en sol mineur d’Arcangelo Corelli, dans une exécution infiniment nuancée, la Deuxième Leçon de Ténèbres du Jeudi saint d’Alessandro Scarlatti ne s’y trouva dissimulée par aucun clair-obscur, éclatant bien plutôt à l’écoute dans l’habituel dispositif d’un concert. D’une voix colorée et agile dont se remarquait la facilité à vocaliser, le soprano Ivana Kladarin en servit magnifiquement chaque verset, sur l’accompagnement à la fois inspiré et vigoureux du Parlement de Musique. De même la Deuxième Leçon de Ténèbres du Mercredi saint bénéficia-t-elle d’une plainte plus recueillie, avant une conclusion fleurie.

Enfin, sous la protection tant discrète qu’effective de Martin Gester [photo], Guillemette Laurens gagnait le chœur de l’édifice pour une sensible interprétation du Stabat Mater de Scarlatti, presque opératique. À la belle souplesse du soprano se liait l’impact ferme au grave musclé du mezzo-soprano, format indéniablement plus lourd mais agile tout autant dans son registre propre.

BB