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Chroniques
Christian Tetzlaff et Leif Ove Andsnes
œuvres de Beethoven, Chostakovitch, Grieg et Mozart
C'est un programme à la fois copieux et intelligemment construit qui nous fait retrouver le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes en compagnie du violoniste Christian Tetzlaff [photo], deux artistes qui se produisent régulièrement ensemble depuis quelques années déjà. Ouvrant la soirée par la Sonate n°6 en la majeur Op.90 n°1 de Ludwig van Beethoven, ils se lancent dans un Allegro élégant et clair, sans esbroufe, où le violon affiche une délicatesse exquise tandis que son partenaire accrédite une simplicité assez déroutante, s'effaçant devant la musique. Entretenant une précieuse rondeur de la sonorité dans l'Adagio, évoluant judicieusement dans un ambitus de nuances volontairement restreint, articulant « mine de rien » les ornements, ils offrent un travail des plus raffinés. Et si le dernier mouvement s'avère plus chantant, encore est-ce dans un dosage lucide et soigné, pour en préserver la fraîcheur, loin de tout spectacle.
Avec la Sonate Op.134 de Dmitri Chostakovitch, les interprètes révèlent des qualités complètement différentes, puisqu'au relatif effacement de leur jeu succède un engagement notable. Ainsi, Tetzlaff choisit-il une sonorité beaucoup plus vibrée, au service du lyrisme contenu de l'Andante initial. La nudité quasi désertique de certains passages rencontre dans le jeu d’Andsnes une régularité désarmante qui en souligne le drame. Très engagés dans la danse, les musiciens livrent un Allegretto nuancé où le piano quitte totalement son quant-à-soi. Une certaine acidité du violon affirme la hargne de l'écriture. Sans doute aimerait-on toutefois un son plein et plus présent dans le Largo.
Avec Mozart reviennent les atouts goûtés en début de soirée. Dès l'Allegro, leur lecture de la Sonate en mi bémol majeur K.302 met en valeur la cohérence de style du violoniste, ainsi que le bon emploi du caractère et de la couleur. Car enfin, si Andsnes semble pouvoir passer d'un compositeur à l'autre avec une remarquable efficacité, Tetzlaff convainc surtout dans le répertoire classique. Après un Rondo tendrement articulé, ils abordent la Sonate en ut mineur Op.45 n°3 d’Edvard Grieg qui, comme celle de Chostakovitch, requiert un engagement généreux. Dans ce romantisme finissant coloré de symbolisme, le pianiste excelle et le violoniste chante avec beaucoup d'expressivité (notamment l'Allegretto central). À la fois plaintif et fougueux, le dernier mouvement transporte l'auditoire dans un univers douloureux. Pour répondre à l'enthousiasme manifeste du public, les artistes donnent deux délicieuses petites pièces de Sibelius.
BB