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Chroniques
Christophe Desjardins et Teodoro Anzelotti
création de Nous sommes l’air, pas la terre de Stroppa
Deux instruments a priori peu destinés à jouer ensemble, pour ce Midi musical curieux à tout point de vue. On y retrouve avec plaisir Christophe Desjardins à l’alto, en duo avec l’accordéon de Teodoro Anzelotti – créateur, entre autre, de la Sequenza XIII de Luciano Berio.
Pour commencer, quelques extraits des Jatékok de György Kurtág, c’est-à-dire des jeux constituant plusieurs recueils de courtes pièces destinées à des interprètes facétieux et aux enfants. Le couple Kurtág les joue lui-même régulièrement en public. Indéniablement, les passages choisis s’appuient volontiers sur une lointaine évocation du terreau musical est-européen. Outre que la sonorité particulière de l’accordéon s’y prête avec évidence, l’utilisation de l’alto, pour aphoristique qu’elle soit, en est ici directement inspirée. Nous abordons donc une interprétation sensible de ces petits moments musicaux, en général assez désolés.
Le mariage des timbres surprend. Le compositeur italien Marco Stroppa répond à la commande du Théâtre du Châtelet par Nous sommes l’air, pas la terre... qui s’inspire d’une phrase du philosophe géorgien Merab Mamardachvili citée dans La supplication de Svetlana Alexeïevitch, un ouvrage sur l’après-Tchernobyl. Il utilise non seulement les couleurs respectives de chaque protagoniste mais les marie jusqu’à former des sonorités nouvelles, allant ensuite jusqu’à les masquer par un minutieux travail de timbre. Les musiciens, qui assurent ici la création de l’œuvre, réalisent de fort beaux échanges, l’accordéon s’emparant du son de l’alto qui viendra doubler l’accordéon, et ainsi de suite, dans une fine alchimie. On retrouve là les préoccupations de Stroppa, la précision et la magie de son écriture, chez lui véritable participation au monde, pour n’en pas dire plus. De cette pièce il a écrit : « mon travail met en scène différents états de fusion et de fission entre un instrument d’air, l’accordéon, et un instrument de terre, l’alto, procédant de façon de plus en plus indépendante, en partant d’une déflagration initiale et jusqu’à leur éparpillement en un ensemble de corpuscules sonores glissant de plus en plus loin entre eux à des vitesses différentes ». On ne saurait mieux présenter Nous sommes l’air, pas la terre...
Autre surprise : le programme s’achève avec la Sonate pour viole de gambe et clavecin en sol majeur BWV 1027 dont l’alto assume la partie de viole tandis que l’accordéon se prend pour un clavecin, avec par moments des airs d’orgues de barbarie ou d’harmonium de village. On goûte les legati splendides de Christophe Desjardins dans l’Adagio initial et la fort belle articulation de l’Andante. La fugue finale paraîtra d’une grande incongruité.
BB