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Chroniques
concert Bang on a Can All-Stars
pièces de Byron, Coleman, Gosfield, Lang et Nyman
De même que les hirondelles annoncent opiniâtrement le printemps, retrouver le collectif Bang on a Can All-Stars laisse prévoir des moments inédits et rares – les œuvres jouées aujourd'hui l'étant pour la première fois en France. Connaît-t-on bien, de ce côté de l'Atlantique, la musique de Don Byron qui domine le programme avec trois morceaux (dont un bis) et auquel le groupe new-yorkais a consacré un album ? À la recherche d'un « son qui dépasse les genres », ce clarinettiste associé au jazz – mais également saxophoniste, compositeur et arrangeur – ne se confronte pas moins à des univers variés (classique, salsa, funk, etc.). Pour Basquiat (nom du célèbre peintre de sang haïtien), un violoncelle plaintif, une clarinette écorchée, des échos de guitare électrique et des vibrations de cloches-tubes composent l’hommage mélancolique à « un frère qui connaissait l'art plus qu'il n'était censé le connaître et qui s'est retrouvé dans les hauts lieux de la société, là où il n'était pas censé être, entouré de gens qui faisaient semblant de l'accepter ».
Avant cela, Sunray ouvre la soirée, dans un climat délicatement élégiaque que David Lang fait évoluer vers un ostinato martelé puis un final crescendo des six instrumentistes – dont certains mènent le jeu à tour de rôle. Overvoltage Rumble lui succède. Attentive à l'exploration de sonorités nouvelles, Annie Gosfield confronte des vibrations graves de contrebasse, violoncelle et clarinette basse avec la clarté des percussions accompagnées d'une guitare flirtant avec l'aigu ; les vagues électroniques d'un synthétiseur ajoutent à l'énergie dégagée par cette pièce de 2006. Music from Shadowbang (2001) vient clore cette première partie, soutenant à l'origine un spectacle de marionnettes balinais – ethnie avec laquelle le clarinettiste Evan Ziporyn multiplie les collaborations. Pour illustrer les aventures de deux frères, Dalem et Sangut, quatre mouvements proposent des climats caressants, inquiets et généralement doux-amers.
Même si son œuvre existe hors de ses collaborations avec Peter Greenaway – pour orchestre symphonique, quatuor ou pour la scène –, le cinéma a immanquablement popularisé la musique de Michael Nyman. Le 24 avril 2003, la partition enjouée de Manhatta accompagnait pour la première fois le film muet éponyme de Paul Strand (direction) et Charles Scheeler (photographie) ; alternant avec des vers de Walt Whitman, une foule urbaine s'y presse entre pierre et eau, dominée par la fumée récurrente d'une locomotive ou d'un transatlantique.
Enfin, écoutons Ornette Coleman, l'aîné de la soirée (naissance en 1930) et père de la musique harmolodique – les formes trop structurées, trop rigides laissent place à une « improvisation compositionnelle » où harmonie et mélodie échangent leur place. Comment rendre compte du déliquescent Haven't been where I left autrement qu'en ces termes : un orchestre de kiosque habitué aux romances, auquel des perturbations magnétiques donneraient des sursauts free jazz et wold music ?
LB