Chroniques

par laurent bergnach

concert Bang on a Can All-Stars
pieces de Bittová, Frith, Glass et Wolfe

Théâtre de la Ville, Paris
- 27 mars 2006
Bang on a Can All-Stars, concert avec Iva Bittová
© david port

De retour dans leur « favorite theater in Paris » – dixit le clarinettiste Evan Ziporyn –, Bang on a Can All-Stars présente ce soir un programme bien différent de celui de leur précédent passage où dominait la projection vidéo [lire notre chronique du 13 juin 2005]. La soirée commence avec My lips from speaking, une pièce écrite par Julia Wolfe cette année, qui emprunte son nom à une phrase de la Bible et sa matière à Think, une chanson à succès d'Aretha Franklin. Conçue pour six pianos, nous en découvrons ici une version pour un piano et bande. Avec vigueur,Lisa Moore déstructure quelques mesures d'une mélodie jazzy, assaisonnée d'une note répétée, de clusters et autres dissonances.

Autre pièce de 2006 dont c'est la création en France, Snakes and Ladders (Serpents et Echelles) de Fred Frith fait référence à un jeu proche du celui de l'Oie au cours duquel la case échelle vous donne de l'avance et le serpent oblige à un retour en arrière. Comme le dé qui aide au déplacement sur un plateau, les bonds musicaux seront d'abord restreints à quelques notes par instrument. Le vibraphone de David Cossin et le piano démarrent la partie, puis les pizz' de violoncelle et de contrebasse –Wendy Sutter et Robert Black. Lorsque le morceau devient plus animé, la clarinette et la guitare électrique – Mark Stewart – sortiront de leur réserve pour un emballement répétitif, avant le retour au calme du début. En revanche, nul répit dans la transe hypnotique de Music in Fifths, composé par Philip Glass en 1969. Le rythme rapide des instruments jouant à l'unisson et à un fort niveau sonore finit par saturer l'air de vibrations ; les aigus du piano n'arrivent plus à percer cette masse bourdonnante de laquelle s'échappe comme des chantonnements.

En seconde partie de soirée, Iva Bittová entre seule en scène avec son violon, livrant un solo mélancolique accompagné de cris gutturaux, proches parfois du chant diaphonique, de claquements de langue ou de talon, de sifflements d'oiseaux. Née en 1958 en Moravie du Nord, l'artiste a suivi des cours de musique, de danse et de théâtre qui lui procurent une grande aisance scénique. Apprenant qu'elle a travaillé, il y a une quinzaine d'année, sur la fusion minimaliste entre thèmes slaves et tziganes et rock alternatif, on s'étonne moins d'une collaboration avec le sextuor américain. Ce dernier la rejoint pour Elida, suite de chansons douces-amères composée en 2004 où résonnent des amorces de valse, des mélopées orientales, des soupçons de jazz et de folk, avec des accords d'harmonica, de grelots ou de banjo. La gestuelle de la soliste est importante, la voix souple, expressive – on pense parfois à Armande Altaï, Monica Passos ou Tori Amos –, les effets toujours maîtrisés.

LB