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Chroniques
concert d’adieu de Raymond Duffaut
l’Orchestre Avignon-Provence accompagne de nombreux chanteurs
On pourrait évoquer Raymond Duffaut avec des chiffres. À la tête de l'Opéra d'Avignon depuis 1974 – même s'il ne s'affichait plus que comme conseiller artistique depuis 2002 – il a soutenu plusieurs générations d'artistes au fil de quelques quatre-mille cinq-cents levers de rideau. Certains devinrent des habitués de la scène vauclusienne, ce que d'aucuns ne manquèrent pas de souligner. Car le directeur de théâtre lyrique avait patiemment façonné autour de lui une famille d'artistes. Comme nul autre, il s'est révélé attentif aux interprètes français, remplissant un rôle que la plupart de ses confrères hexagonaux ont sacrifié sur l'autel de la prétendue renommée internationale. Et ce sont ces dizaines de solistes vocaux qui viennent lui rendre hommage en cette soirée probablement sans égale depuis plusieurs décennies : trois parties, cinq chefs (Samuel Jean, Luciano Acocella, Jean-Yves Ossonce, Alain Guingal et Dominique Trottein), pour des festivités qui commencent à 18h30 et se prolongent jusqu'à l'heure de Cendrillon et de la citrouille.
Le soleil darde encore la Provence quand le festin s'ouvre sur un répertoire que Raymond Duffaut a défendu sans faiblir : l'opéra français, et sa variante plus légère, en particulier sous la plume d'Offenbach. Pour lier cette succession d'airs et d'ensembles, Lionel Peintre et Jean-Claude Calon esquissent un résumé du genre lyrique, avec un inénarrable sens comique qui sait rendre les évidences plus profondes qu'il n'y paraît. On ne saurait énumérer exhaustivement tous les numéros, mais on retiendra, dans le condensé de La vie parisienne ainsi offert, le Brésilien campé par Florian Laconi ou encore le Baron de Gondremarck gourmand de Marc Barrard, ce qui ne saurait faire oublier cependant la Griserie de Marie-Ange Todorovitch. Julie Fuchs fait une apparition avec la fameuse et mélancolique évocation du pays natal dans La veuve joyeuse de Lehár. Un soupçon de Thaïs, avant de retrouver maître Jacques et sa Belle Hélène, un peu de Périchole et de cotillons avec le ballet et à nouveau La vie Parisienne – voilà l'heure d'un entracte avant une seconde partie animée par Alain Duault.
Prenant la place de la baguette et de l'orchestre qui a cédé au piano, il annonce les zakouskis : un peu de Lehár, de Leoncavallo ou de Puccini, avant quatre pages de Carmen et l'une de ses incontournables interprètes, Béatrice Uria-Monzon, tandis qu'Alexandre Duhamel fait rayonner les couplets d'Escamillo. Marc Barrard endosse le Sancho du Don Quichotte de Massenet. La Rosine de Karine Deshayes répond au Figaro rossinien de Lionel Lhôte. Florian Laconi revient conter la ballade Kleinzach (les contes d’Hoffmann) avec laquelle contraste le Banquo sombre de Wojtek Smilek (Verdi, Macbet). Massenet s'invite à nouveau au travers les lyriques gosiers de Nathalie Manfrino et Jean-François Borras, l'une Manon pleurant devant une petite table, l'autre Werther invoquant Ossian. Karine Deshayes réapparaît avec du Händel et la ferveur de Cornelia. Nicolas Cavallier et Florian Laconi rejouent la confrontation augurale entre Faust et Méphistophélès vue par Gounod, avant une surprise d'un vétéran, Michel Trempont.
La fin de soirée approche. De ce dernier tiers, on se souviendra de l'implorante Tosca de Béatrice Uria-Monzon, la Dalila de Sylvie Brunet-Grupposo, la barcarolle des Contes d'Hoffmann et la scène de Saint-Sulpice de Manon avec nos deux ambassadeurs de Massenet de la partie précédente. Quelques friandises, des mouvements chorégraphiques, de l'émotion et un unisson avec le public pour saluer l'une des grandes figures du monde lyrique des dernières décennies. À personnage d'exception, soirée d'exception.
GC