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Chroniques
Concerto K.456 de Mozart par Jonathan Fournel
Michael Schønwandt dirige l’Orchestre Français des Jeunes
C’est un rendez-vous consacré : l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ) referme sa session d’été par un concert à Lille, au Nouveau Siècle. Outre la situation postpandémique qui permet le retour à des conditions d’accueil conformes aux usages habituels, le cru 2022 revêt un caractère particulier en ce qu’il célèbre le quarantième anniversaire de la phalange voulue en 1982 par Maurice Fleuret (alors Directeur de la musique sous le ministère de Jack Lang) comme moyen pour former au métier de musicien d’orchestre – progressivement, il ne serait plus perçu comme un simple repli du rêve d’une carrière soliste – les instrumentistes sortis des conservatoires. Depuis quatre décennies, le projet s’est révélé d’une remarquable efficacité dans l’insertion professionnelle des artistes, s’est étoffé avec une version baroque et quelques créations contemporaines, ce qui vint compléter ainsi la formation des étudiants.
Directeur musical de l’OFJ depuis 2021, Michael Schønwandt défend, au sein du répertoire travaillé pendant cet été, la partie germanique. Devant une affiche comptant Jonathan Fournel, lauréat du dernier Concours Reine Élisabeth de Belgique, consacréau clavier, les attentes d’excellence ne se concentrent pas sur le seul aspect symphonique. Le Concerto en si bémol majeur K.456 de Mozart n’a vraisemblablement pas bénéficié de l’essentiel du travail de répétition. Si le résultat reste estimable, la patine remplit d’abord la fonction d’accompagnement et privilégie une fluidité qui ne prend pas de risque dans les attaques. Sans être porté vers des saveurs plus vives auxquelles les interprétations sur instruments anciens, ou tirant parti des ressources des modes de jeu inspirés par les lutheries d’époque, ont accoutumé l’oreille, le soliste livre une lecture honnête qui laisse deviner un moindre confort dans le répertoire concertant que dans le récital. Donné en bis, leScherzo de la Sonate en si mineur Op.58 n°3 de Chopin en témoigne, avec une accentuation plus vive, sinon plus inspirée.
Après l’entracte, la Symphonie en ut dièse mineur n°5 de Mahler confirme que le chef danois lui accorda une attention particulière, au point que sa vision d’une grande cohérence de l’imposante fresque ne pâlirait pas auprès des interprétations des meilleures orchestres. Notée Im gemessenem Schritt. Streng. Wie ein Kondukt (D’un pas mesuré. Strict. Comme un convoi), la Trauermarch augurale est marquée par un geste puissant, guidant le développement de la procession sans perdre de vue la clarté de la construction, ni céder à un sentimentalisme importun. Passé un trac compréhensible dans les premières mesures, les pupitres se distinguent autant par leur précision que par leur contribution collective à l’élan expressif. Le deuxième mouvement, Stürmisch bewegt. Mit grösster Vehemenz (Orageux. Avec une grande véhémence) prolonge cette tension, sans oublier d’éclairer les contrastes plus intimes. Le Scherzo – Kräftig, nicht so schell (Puissant, pas trop vif) – confirme cet équilibre. Aux couleurs plus avenantes, dont le saupoudrage d’un rang à l’autre voulu par le compositeur ne remet ici jamais en cause l’évidente cohésion générale, succède un reflux plus feutré dans le trio dont le chef danois s’attache à restituer le dessin et la pudeur de sentiment, sans jamais céder à l’autocontemplation. Dans l’Adagietto, la pâte des cordes assume le tempo (Sehr langsam) avec une aération lumineuse qui sert à la fois de parenthèse et de préparation à la jubilation du Rondo-Finale, libérant une énergie juvénile dont la canalisation fait respirer une remarquable maturité. En relevant le défi de cette Cinquième, l’OFJ se montre à la hauteur de l’ambition que portait sa fondation. Un bel anniversaire !
GC