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Chroniques
Concerto Palatino, Cantus Cölln, Konrad Junghänel
Vêpres de Virgilio Mazzocchi
Le grand baroque sacré italien trouve naturellement sa place dans les vastes et généreuses voûtes romaines. Brillant et raffiné, il joue avec la résonance, la grâce aérienne de la phrase musicale, la plénitude des contrepoints savoureux. Inutile de dire que l’Auditorium du Louvre, bien qu’idéal pour le répertoire de chambre romantique ou vingtiémiste, est loin du compte, voire inadapté : trop mat, il prive la musique de sa respiration ample et ne rend pas justice aux timbres de son instrumentarium spécifique — même quand ceux-ci sont aussi beaux et soignés que ceux des cuivres anciens du Concerto Palatino, ensemble du grand cornettiste Bruce Dickey. L’acoustique met à bas le délicat équilibre où se mêlent cordes et cuivres (violon, dessus, basses de viole et violone d’une part ; cornet et trois sacqueboutes de l’autre, avec, en guise de liant, un positif tenu avec discrétion par Carsten Lohff), pourtant composé avec minutie par le chef du Cantus Cölln, Konrad Junghänel.
Elle nous prive des exquis dialogues stéréophoniques qui font le sel de la musique de Virgilio Mazzocchi — à la charnière des styles antiquo (polyphonie contrapuntique) et nuovo (récits). Les magnifiques psaumes extraits des Psalmi Vespertini sont les premiers à en souffrir. Plus intimistes, les récits et antiennes, qui prennent place entre chaque psaume comme cela se faisait à l’époque durant les messes, composés à partir de concerts spirituels par Mazzocchi et quelques autres de ses contemporains – Carissimi, Frescobaldi, del Buono —, s’affranchissent de ces difficultés par une plus grande liberté dynamique des phrasés et diminutions.
C’est bien dommage, car la performance des musiciens et chanteurs est, de ce qu’on en peut entendre, en tous points parfaite – même si occasionnellement un peu raide, bien des efforts étant justement faits pour aller contre les effets acoustiques phagocytaires du lieu. Les voix sont justes et se marient à merveille, notamment celles des soprani Johanna Koslowsky et Mechthild Bach, du ténor Hans Jörg Mammel (parfois forcée) et du baryton Wolf Matthias Friedrich [photo]. Les instrumentistes les soutiennent avec soin et précision.
N’ayant pu pleinement profiter des qualités indéniables du jeu des interprètes et de la beauté de ce grand Seicento sacré, on reste sur sa faim, frustré d’un programme pourtant intelligemment construit et mené avec talent, qui visait à recréer d’authentiques Vêpres à la Vierge comme on imagine qu’elles se pratiquaient à la Cappella Giulia du Vatican entre 1629 et 1646, quand Mazzocchi en était le maître. L’on sort en ne rêvant que d’une chose : réentendre ce concert dans l’écrin pour lequel il fut conçu — brillant, puissant, sublime, plein d’audaces (comment ne pas fantasmer sur les superbes harmonies des Sonate in varie maniere sopra l’Ave Maria Stella de Gianpietro de Buono) et merveilleusement orné.
JS