Chroniques

par francine lajournade-bosc

Concours international de piano d'Orléans
finale de la 8ème édition

Le Carré Saint-Vincent, Orléans
- 4 mars 2008
Finale du Concours international de piano d'Orléans (8ème édition)
© jennifer gilroy

Le jury du huitième Concours international de piano d'Orléans avait retenu trois candidats pour la finale de ce 4 mars. Trois candidats pour un palmarès sans surprises, mais sans enthousiasme non plus... Comme c'est désormais de coutume, la finale du prestigieux concours, consacré à la musique des XXe et XXIe siècles, laisse la part belle à la musique de chambre. Avantages : les candidats qui ont pu, au cours des épreuves précédentes, révéler leurs qualités de soliste dans un répertoire de leur choix, doivent, pour la finale, faire preuve de qualité d'écoute et montrer que leur personnalité peut tout aussi bien s'exprimer dans cet exercice difficile et exigeant. Inconvénient : le risque de passer à côté d'un soliste de grande qualité mais dont la musique de chambre ne serait pas à proprement parler la cup of tea. Autre particularité de l'épreuve : le concours passe commande d'une pièce à un compositeur contemporain pour chacune de ses éditions. Pour l'édition 2008, c'est à Édith Canat de Chizy que revenait cet honneur.

Dans sa note d'intention, la compositrice dit avoir consciemment choisi la même distribution que celle du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen : clarinette, piano, violon, violoncelle pour ce discret hommage au maître dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance. La comparaison avec Messiaen – et c'était une des volontés d'Édith Canat de Chizy –s'arrête là. La pièce apparaît sur le papier d'un bel équilibre entre chacun des interprètes et ne semble pas présenter de difficultés insurmontables pour le pianiste. Pour compléter le programme de cette finale, les organisateurs du concours avaient choisi le Trio de Ravel, œuvre emblématique de la musique française du XXe siècle, qui exige de vraies qualités de chambristes.

L'Américain Adam Marks était le premier à se confronter à ce programme. Difficile, lorsque l'on n'a pas suivi les épreuves éliminatoires du concours, de juger des qualités de solistes de ce jeune pianiste. Force est cependant de constater combien il semble peu à l'aise dans un répertoire chambriste. Burning d'Édith Canat de Chizy semble bien pâle et plat sous les doigts de ce candidat qui peine visiblement à trouver sa place parmi ses trois comparses ; l'on a l'impression désagréable de passer à côté d'une œuvre que l'on entend pour la première fois. Dans le Trio de Ravel, notre candidat fait cavalier seul et semble confondre musique de chambre et course de vitesse, lâchant littéralement un violoniste médusé par un changement de tempo aussi soudain qu'inopportun à la fin du deuxième mouvement. Son phrasé hésitant, son sens du tempo pour le moins surprenant auront bien mis à mal ce trio.

C'est au tour d'Antal Spork, candidat néerlandais, de se confronter au quatuor de Canat de Chizy. Si son jeu propre et précis permet de mieux appréhender la structure de l'œuvre, on s'ennuie ferme. Le manque d'imagination et la trop grande sagesse que l'on attribuera au stress des circonstances et peut-être à un certain manque de maturité, donneront encore un Trio de Ravel certes beaucoup plus en place que ce que l'on a pu entendre précédemment mais péchant cruellement par son manque de rondeur et de sensualité. Les qualités indéniables de ce jeune pianiste, qu'il faudrait certainement entendre dans un autre répertoire, ne suffiront à convaincre ni le public, ni le jury.

C'est donc sans gloire et avant même d'avoir livré bataille que la Française Florence Cioccolani semble devoir s'imposer comme la gagnante évidente de cette compétition. Enfin, Burning prend des couleurs. La candidate passe à nos yeux pour être la seule à maîtriser assez bien l'œuvre (pourtant d'une difficulté toute relative) pour en donner une véritable interprétation, avec ce que cela suppose en termes de prise de risque. À l'écoute de ses petits camarades de jeu, elle impose la présence du piano sans jamais en faire trop. Son toucher délicat et son manifeste sens du phrasé ajoutent à ces qualités d'écoute. Le page ravélienne ne viendra pas démentir notre impression première. Le jeu rond et non dénué de subtilité de Florence Cioccolani confirme ses talents de chambriste qui, sans jamais écraser ses partenaires mais en sachant tout au contraire les mettre en valeur lorsque cela est nécessaire, mènera d'un bout à l'autre et de main de maître ce Trio.

Le verdict du jury ne présente donc pas beaucoup de surprises, Florence Cioccolani raflant le prix spécial Blanche Selva, celui de l'Académie des Beaux-arts ainsi que celui de la Spedidam et, enfin, le prix décerné par le jury des élèves du Conservatoire d'Orléans. Prix de consolation pour les deux autres finalistes qui se verront attribuer la mention spéciale André Boucourechliev pour Antal Spork et la mention spéciale Maurice Ohana pour Adam Marks.

Cependant, si Florence Cioccolani aura sauvé cette finale par ailleurs assez morne et sans saveur, nous sommes bien loin des palmarès précédents qui avaient couronné le formidable Wilhem Latchoumia en 2006 (dont le premier disque soliste, sorti voilà quelques semaines est de ce genre que l'on passe en boucle dès le petit déjeuner), l'incroyable Winston Choi ou encore Toros Can que l'on tient pour l'un des meilleurs interprètes actuels d'un répertoire contemporain des plus exigeants (ses Études de Ligeti, gravées il y a quelques années, restent ce qui se fait de mieux en la matière). Cette huitième édition restera donc un petit cru pour Orléans. Des choses qui arrivent.

FLB