Chroniques

par laurent bergnach

création de Kosmoi.Fragmente
cycle Pierluigi Billone

Festival d’Automne à Paris / Opéra national de Paris, Amphithéâtre Bastille
- 22 septembre 2010
© benjamin chelly

Une pensée pour Christophe Bertrand, tout d’abord. A l’heure de commencer cet article, notre esprit est occupé par l’annonce de son décès, officielle depuis hier. Suite à la découverte de son travail à Aix-en-Provence, en juillet 2006, nous guettions l’occasion d’un entretien avec lui ; ce que permit la création D’all inferno, à l’automne 2008 [lire notre entretien]. Nous ne doutions pas que ce jeune admirateur de Ligeti, occupé mais disponible, mature sans être abscons, allait nous procurer bien du plaisir par sa manière de creuser le son – à la différence de beaucoup d’autres qu’on nous vend comme tels –, en particulier dans les jours prochains, au festival Musica. Christophe Bertrand nous quitte à l’aube de ses trente ans.

Son aîné de vingt ans, Pierluigi Billone est peu connu chez nous. Guitariste à l’origine, il commence sa formation avec Sciarrino, avant d’abandonner des études académiques pour expérimenter en autodidacte, notamment les possibilités instrumentales. À Stuttgart, il se perfectionne auprès de Lachenmann, et s'éloigne d’une Italie qu’il juge « oppressante et écœurante », se tournant définitivement vers l’Allemagne et l’Autriche, comme tant d’autres avant lui. « De ces deux maîtres, résume Laurent Feneyrou, Billone apprend l’attention aux sons, au moindre de leurs bruissements, à l’excès de leurs distorsions, au silence qui les creuse et à l’énergie qu’ils concentrent ou laissent surgir ».

Le musicien avoue que son but « est d’élargir le plus possible les limites rythmiques et motrices du corps, de les confondre presque » La main, en particulier, a une place récurrente dans plusieurs partitions, telle Mani.Long. Créée en 2001, cette pièce pour ensemble (50’) met en vedette non seulement trois percussionnistes mais pare d’un disque métallique le thorax de Lionel Bord (basson) et Mathieu Steffanus (clarinette basse) qui flanquent le chef James Weeks. La sécheresse du bois frappé (dont celui du piano) alterne avec la dureté du métal, laissant une maigre place au reste des instruments, stridents et aigrelets, mais croissante aux grommellements épars. Très vite, la pièce ennuie, puis excite au pire sens du terme, ces brutalités ornant un tissu sonore translucide comme les ronflements la sieste d’un dormeur.

Le métal se retrouve dans Kosmoi.Fragmente, création d’un quart d’heure pour voix et sept instruments. Deux plaques incurvées sont caressées d’un archer, martelées ou griffées à vous en arracher les dents par des percussionnistes qui cognent également des cloches tubes et des verres géants. Comme précédemment, les autres musiciens de L’Instant Donné s’ennuient à faire de la figuration. La parole important moins au compositeur que le geste, le soprano Alda Caiello donne plus d’énergie à frapper dans ses mains ou à heurter sa poitrine du poignet qu’à mouvoir ses cordes vocales. À la sensualité de la musique, Pierluigi Billone substitue définitivement l’acte de contrition.

LB