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Chroniques
création de L’Oiseau innumérable de Thierry Pécou
Avant-dernier des huit concerts Paris de la musique, ce rendez-vous avec l’Ensemble Orchestral de Paris fait entendre L’Oiseau innumérable, concerto pour piano et orchestre de Thierry Pécou donné en création mondiale. Conçue en trois mouvements non indiqués, mais n’en respectant pas moins une forme classique à laquelle tout un chacun est habitué, parfois même sans le savoir, l’œuvre surprend par la déferlante énergie qui la meut. Ainsi Mouvement I oppose-t-il quelques soli qu’on pourrait dire épineux à des figures obstinées et fragmentaires. Toutefois, si le discours s’avère sainement roboratif (dans le premier sens du terme), de même que l’idée de convoquer un bouillonnant solo de timbales à soutenir l’appel répété de trois notes de piano, le traitement général affirme des inspirations relativement datées, comme la grande déambulation pianistique cadentielle qui embrasse Antheil comme une belle que notre mémoire aurait endormie.
Ouvert dans une couleur embrumée que l’emploi du gong enveloppe, Mouvement II (Largo inavoué) laisse le soliste énoncer un je-ne-sais-quoi questionneur dont la détermination affirmerait l’impuissance en un touchant « sans-voix » à frapper le dessous du clavier. À ce précieux indicible répond enfin Mouvement III dont la hargne répétitive rappelle celle du Concerto de Ruggles, violence exceptée, voire en moins « moderne » (si l’on nous passe ce gros mot). Outre l’efficacité et l’enthousiasme d’Andrea Quinn au pupitre, on saluera l’impressionnante performance d’Alexandre Tharaud.
Se succèdent à ce menu plusieurs autres œuvres.
Sans nous attarder sur une exécution de la Symphonie pour cordes et trompette ad libitum H.153 de Honegger dont l’Adagio central ne saurait se satisfaire d’approximations, évoquons un Dumbarton Oaks (Stravinsky) rendu si joyeusement tonique que son climat paraît à juste titre annoncer celui de Rake’s progress, pourtant écrit plus d’une dizaine d’années plus tard. Enfin, la fort talentueuse Isabelle Moretti offre à la création d’un Tombeau de Virgile composé par un musicien en hibernation (et il y a fort longtemps, sans doute) une interprétation somptueusement phrasée dont le paradoxale (à considérer l’instrument) legato révèle un beau travail de couleur. S’il nous fallait vraiment réfléchir sur l’Ancien et le Nouveau ? Nous constaterions que les pharmacies elles aussi arborent leur croix… lumineuse et encore verte, celle-ci !
BB