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Chroniques
création de la Symphonie n°10 de Philip Glass
l’Orchestre Français des Jeunes fête ses trente ans
Certains se font souhaiter leur anniversaire par Marilyn Monroe, d’autres se font écrire une symphonie. Question de standing. Pour la septième fois de son histoire, l’Orchestre Français des Jeunes a présenté, pour ses trente ans, une création mondiale en interprétant – après nous avoir gentiment rincé les oreilles avec la Symphonie concertante Hob.I/105 de Haydn – la Symphonie n°10 de Philip Glass.
Ce n’est effectivement pas un Joyeux anniversaire tout en flonflons et pouêt-pouêts (cette partie-là, l’OFJ se l’offre après l’entracte avec la Suite du Chevalier à la Rose de Strauss), mais c’est un bien beau cadeau qu’offre Philip Glass : tout l’orchestre est sollicité ; chaque jeune musicien aura pu dire, en concluant cette soirée, « j’ai joué en première mondiale une œuvre écrite pour mon orchestre, pour moi ». Et dirigé par Dennis Russel Davies, rien de moins ! Le sémillant interprète et par ailleurs ardent défenseur dudit compositeur dirigera prochainement The Lost, la prochaine création de Glass, pour l’inauguration du nouvel opéra de Linz.
Au delà de la découverte, prenons de la perspective.
Depuis la Symphonie n°8, la musique symphonique de Glass semblait suivre un cours moins tourmenté, se concentrant plutôt sur d’amples phrases enveloppantes et, pour la plupart, mélancoliques. Soulignons que depuis la Cinquième, le compositeur s’était tenu à trois mouvements, abandonnant même, à partir de la Huitième, l’apport chanté de solistes (Sixième) ou de chœurs (Septième) pour ne se concentrer que sur l’orchestre, dans sa plus vaste formation.
Tout le monde est sollicité. Les percussions s’en donnent à cœur joie – rappel du Concerto Fantasy for two timpanists and orchestra ou d’Akhnaten (Acte I, Scène 1) – les cuivres mènent régulièrement le jeu comme ils avaient pu le faire dans Akhenaten (Attack and Fall, Acte III), les bois secondent les cuivres, ou temporisent comme dans The Light (mouvement symphonique unique). Les cordes ne sont pas à la traîne : pas moins de huit contrebasses et dix violoncelles sont nécessaires pour assurer la « basse continue » chère à Glass, et une nuée de violons et altos se charge des structures répétitives, perpétuel et mouvant contrefort de l’œuvre (Symphonie n°3).
La Dixième prend un nouveau virage, pas si surprenant sans pour autant être prévisible, car c’est un tournant opératique : il y a, dans les trois premiers mouvements, l’énergie époustouflante qu’on appréciait dans Kepler (et superficiellement évoqué dans la Neuvième) ; dans le quatrième, l’élan dramatique de The voyage. Le cinquième mouvement la clôt magnifiquement, dans l’énergie lointainement dissonante, torturée presque, de Waiting for the Barbarians.
L’ampleur, la puissance et l’inventivité de la Symphonie n°10 de Philip Glass la placent parmi les plus brillantes de ses récentes créations, démontrant (s’il le fallait) que son inspiration ne s’amenuise pas et que sa place dans la musique contemporaine n’aura jamais été autant remarquable. Enregistré, le concert sera retransmis le 13 janvier 2013 sur France Musique à 12h37.
JMC