Chroniques

par laurent bergnach

création de Tract de Raphaël Cendo
l'ensemble Cairn invite Marc Ducret

Why Note / Théâtre du Parvis Saint-Jean, Dijon
- 23 novembre 2007

Continuant d’être le témoin de la vitalité artistique des musiques d’aujourd’hui, le festival Why Note – ainsi que l’association Cumulus à son origine – propose les derniers rendez-vous d’une série inaugurée le 15 novembre dernier, donnant lieu à plusieurs créations. Si l’on excepte les Percussions de Strasbourg qui vont clore cette douzième édition, les invités appartiennent à la jeune génération d’interprètes. C’est le cas de l’Ensemble Cairn qui, depuis 1997, regroupe des musiciens qui se sont rencontrés au Conservatoire National Supérieur de Paris, sous la double direction artistique de Jérôme Combier et de Guillaume Bourgogne, également chef de la formation. Avec une centaine de premières mondiales aux esthétiques diverses et variées, le trentenaire déborde d’énergie et de curiosité, comme il le prouve ce soir encore.

« Loin des joliesses académiques de la musique contemporaine, j’accorde une importance croissante aux sonorités souillées ; au timbre violent, d’origine métallique, caractéristique d’un certain rock et de la techno ». Par une approche du son comme matière à forger, Fausto Romitelli (1963-2004) s’intéresse d’abord aux travaux de Dufourt et Grisey avant de considérer les effets de saturation et de distorsion propres aux musiques populaires des années soixante-dix. Avec son titre sans équivoque, placée sous la tutelle de Michaux, la partition de Professor Bad Trip ne cache pas sa référence à un univers psychédélique, et sa Lesson 1 (1998) nous installe sur les crêtes d’une mer d’huile, soumis à un flux et reflux nauséeux qui n’offre aucune certitude de direction. Un final évanescent apporte l’apaisement attendu.

Compositeur de plus en plus joué, Raphaël Cendo (né en 1975) dédie Tract à ses créateurs du jour. Si, comme son aîné italien, il s’intéresse au matériau saturé, cette pièce pour huit musiciens cherche aussi à repousser les limites de la rapidité et de la puissance. « Les tensions qui régissent les points forts de la forme multiplient les impacts jusqu’à la démesure, jusqu’au hors cadre, jusqu’au hors jeu », dit-il. Dans ce maelström d’énergie maîtrisée, où les micros silences permettent de retrouver l’élan, Caroline Cren frappe les cordes du piano, Ayumi Mori fait gémir sa clarinette, Jérôme Laran réalise au tubax des sons tenant du barrissement et du crissement de pneu, tandis qu’Aurélie Saraf fait couiner un archer sur sa harpe ou frappe un gong qu’elle empêche de vibrer.

Bassiste à ses débuts, Marc Ducret (né en 1957) se produit à la guitare depuis plus de vingt ans, s’éloignant du milieu pop-rock pour celui du jazz. Interprète solo ou jouant avec ses propres groupes, l’artiste compose également. Encadrant une longue séance d’improvisations qui n’apporte pas grand-chose au programme, hormis de valoriser des talents lors de trios – Cristelle Séry à la guitare, Sylvain Lemêtre aux percussions –, Détail (arrangé par Bourgogne) et Chantier III (en création) s’ouvrent sur des climats délicats portés par les cordes, bientôt bousculés par des emballements de saxophone et autres. La guitare de Ducret s’avère toujours domptée, notamment dans le final de Détail, superbement pianissimo.

LB