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Chroniques
création de Volcaniques de Vincent Paulet
Lawrence Foster et l’Orchestre Philharmonique de Radio France
C’est la création d’une commande passée à Vincent Paulet il y a huit ans par René Koering, Volcaniques pour formation orchestrale vaste, qui ouvre le concert dirigé par Lawrence Foster – le dernier de la semaine Paris de la musique, qui se tient depuis le 10 novembre. La structure de l’œuvre est tripartite, comme un concerto ou une ouverture à l’italienne, vif – lent – vif. Dans le premier mouvement, les pupitres se dégagent de la texture orchestrale comme des crevasses éclatant au cœur d’un flot de lave. La progression dramatique culmine dans une péroraison finale qui exaspère les cellules thématiques. Dans la section lente, les sonorités se font transparentes et favorisent les parties solistes : le hautbois, les glissandi de cordes, le sifflement des violons qui dialogue avec les harmonies élémentaires jouées par les violoncelles. L’attente et les interrogations se prolongent jusque dans les échos du triangle qui s’achèvent dans la pénombre de pianissimi délicats. Le finale dégage une énergie cinétique qui se propage à toute la masse orchestrale. La mécanique roborative est parfaitement mise en place par le chef américain, et ne laisse plus de place pour l’hésitation poétique.
Le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Ravel offre également ce contraste entre la jubilation et les pages extatiques. On pourrait même dire que l’œuvre porte ce sens des contraires à sa quintessence. La rigueur de Foster, palpable dès la gifle percussive initiale, soutenue par les flûtes et les pizzicati, rencontre la rondeur du toucher de Jean-Efflam Bavouzet. L’énergie rythmique contamine les tutti et le soliste tout au long de cet Allegramente. L’Adagio assai central révèle la délicatesse du pianiste français et la transparence de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Le clavier dialogue tour à tour avec la clarinette, la flûte, le hautbois, le basson. Le lyrisme détaché de Ravel trouve ici une expression juste, évitant une mièvrerie hors de propos comme une indifférence mécanique. Ce sens du dosage se retrouve dans l’explosion du Presto final.
La deuxième partie du programme permettait d’entendre la rare Symphonie en ut majeur de Dukas. L’œuvre tient de la forme cyclique dont Franck avait initié l’engouement. C’est encore une partition tripartite : Allegro non troppo vivace, ma con fuoco - Andante espressivo et sostemento - Allegro spiritoso. Tandis que la Symphonie en ré mineur de Franck regarde plutôt vers l’héritage beethovénien et la tradition germanique, Dukas réalise une synthèse des styles de la fin du siècle. Tantôt Brahms, tantôt Bruckner semblent affleurer çà et là, tantôt la luminosité et les couleurs rappellent Bizet ou Lalo, tantôt elles annoncent l’impressionnisme debussyste. Mais cette multiplicité de racines et de frondaisons ne contrarient pas l’unité de cette ample symphonie. L’auditeur est embarqué sur un océan de notes où l’horizon, changeant, laisse apercevoir la rive vers laquelle s’achemine peu à peu la barque harmonique et mélodique du maître français. Lawrence Foster fait sonner la robustesse de l’œuvre. Il est difficile de résister au crescendo du dernier mouvement et de ne pas confondre puissance et insolence – les cuivres sont hélas les premières victimes de ces tentations.
GC