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création du Quatuor pour quatre violoncelles de Florentine Mulsant
Raphaël Chrétien, Thomas Duran, Xavier Gagnepain, Laurent Molines,
Après un premier concert qui se refermait sur un arrangement de la Quatrième Symphonie de Mahler [lire notre chronique de la veille], le jeudi offre une autre illustration de la curiosité d’Éric Crambes et de l’Académie Festival des Arcs, toujours sous les étoiles de Bernstein et de Mulsant. Appariant un stagiaire avec un professeur, l'exécution de l’Octuor à vent en mi bémol majeur Op.103 de Beethoven livre un avatar exemplaire de cette émulation générationnelle qui constitue l'une des identités de la manifestation. Fonctionnant comme un quatuor de duos, la pièce met en évidence autant une bienveillance pédagogique qu'une collégialité complice – les soli les plus exigeants étant souvent assumés par l'aîné, lequel épaule le cadet dans l'enrichissement harmonique –, depuis l'Allegro augural jusqu'au Presto volubile, en passant par un Andante chantant, bien conduit, et un Menuetto scherzando, comme on est en droit de l'attendre chez le maître de Bonn.
Commande du festival, le Quatuor pour quatre violoncelles Op.74 de Florentine Mulsant témoigne d'une ouverture avisée à la création contemporaine, qui ne cherche pas à prendre à rebours la facture instrumentale comme le plaisir de l'auditeur. Emmenés par Xavier Gagnepain, Raphaël Chrétien, Bumjun Kim et Thomas Duran exhalent la palette déployée au fil de quatre mouvements, chacun à l'enseigne d'une couleur différente. Imprégnée par une sensibilité picturale éveillée par son père, la compositrice française rend hommage à Nicolas de Staël, un de ses artistes préférés. Le bleu marine du premier morceau s'immerge dans une densité sonore, presque sombre, développant une mélopée à la texture riche, d'une intériorité aussi évidente que son lyrisme. Le rouge se décline ensuite tout en pizzicati, dans des accents aérés de guitare qui rappellent le Quatuor de Debussy. Ce bref numéro qui s'autorise quelquesrallentandos sensuels cède alors à un bleu ciel serein, animé par une pulsation sourde sur laquelle s'épanouit un médium généreux et expressif. Sorte de virtuose ostinato homophonique à variations qui défie parfois l’IPad, le blanc confirme la maîtrise d'une écriture pour cordes qui sait transsubstantier la gémellité des pupitres en quatre registres identifiables sur l'ensemble de la tessiture instrumentale.
Autre page d'une originalité gourmande, le Concertino pour flûte, alto et contrebasse d’Ervín Šulhov (1894-1942) réunit, selon l'ordre de la nomenclature, Sandrine Tilly, Sabine Toutain et Eckhard Rudolph. L'Andante con moto résonne comme une pastorale douce et inventive, avant un Furiant très dansant irisé par le piccolo. Un Andante nourri et méditatif contraste avec un finale aux allures de fête paysanne, Rondino, Allegro gaio où tourbillonnent pizzicati et babil du piccolo, que le trio restitue avec un funambulisme égal à la musicalité. Les Danses symphoniques de West Side Story à deux pianos par David Saububray et Laurent Molines – et quelques percussions – referment la soirée sur le lyrisme alerte de Bernstein, dont le Mambo sert de bis relayé par le public.
GC