Chroniques

par bertrand bolognesi

création mondiale de Portulan de Tristan Murail
version définitive du cycle complet par Mathieu Romano et L’Itinéraire

Festival Messiaen au Pays de La Meije / Le Dôme, Monêtier-les-Bains
- 27 juillet 2023
Création mondiale du cycle définitif PORTULAN de Tristan Murail
© bruno moussier

Voilà bien longtemps que nous n’avions suivi ce grand rendez-vous de la contemporaine qu’est le Festival Messiaen au Pays de La Meije – trop longtemps ! Tant souhaitées, ces retrouvailles sont spectrales, la vingt-cinquième édition de l’événement faisant fête aux compositeurs de L’Itinéraire dont c’est aussi le cinquantenaire de la fondation. Aujourd’hui dirigé par Lucia Peralta et Grégoire Lorieux, l’ensemble naquit en 1973 autour des œuvres d’Hugues Dufourt, Gérard Grisey, Michael Lévinas, Tristan Murail et Roger Tessier. On l’a assez dit, ces compositeurs sont les enfants d’Olivier Messiaen, tout en ayant puisé chez György Ligeti et chez Giacinto Scelsi. Après une semaine où le public put entendre les pianistes François-Frédéric Guy, Momo Kodama, le Chœur InChorus, le Lemanic Modern Ensemble et L’Itinéraire dans quatre programmes – respectivement consacrés aux fondateurs (Dufourt, Grisey, Levinas, Murail, Tessier), aux Petites liturgies de la présence Divine, à un Hommage à Ligeti et à la première mondiale d’Après la tempête de Michelle Agnes Magalhaes –, l’événement nous accueille pour la création de Portulan de Murail.

Création, disions-nous… pour être plus précis, le Festival Messiaen et L’Itinéraire ont commandé au compositeur deux nouvelles pages qui viennent compléter, sans doute définitivement (mais rien n’est sûr), un cycle commencé il y a vingt-cinq ans avec Feuilles à travers les cloches pour flûte, violon, violoncelle et piano, créé en 1999 à Stockholm. Arrivèrent ensuite Les ruines circulaires pour clarinette et violon (2006), Seven Lakes Drive pour flûte, clarinette, cor, violon, violoncelle et piano (2006), tous deux créés ici-même cet été-là. Puis ce furent Garrigue pour flûte basse (ou flute en sol), alto, violoncelle et percussion (2008), créé au festival Aspects des musiques d’aujourd’hui dans la foulée, Paludes pour flûte, clarinette, violon, alto et violoncelle (2011) qui vit le jour à Musica, le festival strasbourgeois, La chambre des cartes pour ensemble (2011) et Dernières nouvelles du vent d'ouest pour alto, cor, piano et percussion (2011), rendus publics à Amsterdam au printemps qui suivit. Le cycle s’est limité à ces sept pages pendant sept ans, quand un duo pour flûte/violoncelle survint, Une lettre de Vincent, donné à Stuttgart le 1erfévrier 2018, par les musiciens de L’Itinéraire. Tout en ayant entendu quelques-unes de ces huit pièces de manière isolée ici et là, nous découvrions le cycle complet six jours plus tard, à la Marbrerie (Montreuil), par Mathieu Romano à la tête de L’Itinéraire, toujours, qui s’en fera désormais le champion [lire notre chronique du 7 février 2018].

Au même moment, l’ensemble Cairn et Guillaume Bourgogne enregistraient les sept premiers opus de Portulan pour le label autrichien Kairos [lire notre critique du CD], mais le projet était loin d’être clos, comme le prouvait la première, à l’auditorium de Radio France lors de Présences, de …les jours heureux… par les artistes que l’on retrouve aujourd’hui à la salle du Dôme de Monêtier-les-Bains [lire notre chronique du 11 février 2022]. Le 30 janvier de cette année, une nouvelle fois à la Marbrerie, était donné I would prefer not to, duo pour piano et percussion écrit en 2022. L’aventure semble devoir se conclure ce soir par la création de deux nouvelles pièces, commandées par L’Itinéraire et le Festival Messiaen. Ainsi du très méditatif ΡΟΔΟΔΑΚΤΥΛΟΣ 'ΗΩΣ (L'aurore aux doigts de rose), qui continue de révéler une grande finesse d’orchestration, et de L’atlas des rêves où se conjuguent les souvenirs des onze autres pages. Sous la battue fort lisible de Mathieu Romano dont fascine la douce autorité se clôture un vaste voyage imaginaire.

BB