Chroniques

par michèle tosi

cursus 1
œuvres de Cerrillo, Lemke, Nicolaou, Pahg et Rizo-Salom

Ircam, Paris
- 13 octobre 2005
la poétesse Rozalie Hirs
© dr

Comme chaque année, à la même date, l'Ircam consacre deux soirées (jeudi 13 et vendredi 14 octobre) aux dix jeunes compositeurs ayant suivi le cursus de composition et d'informatique musicale dans ses murs. Ce soir, le public découvre une salle de projection totalement remaniée dans son dispositif d'écoute, les gradins un peu sévères cédant la place à un parterre de chaises beaucoup plus convivial et mieux adapté, peut-être, à la spatialisation sonore.

Mettant en œuvre les potentialités des logiciels de l'Ircam, les cinq compositeurs programmés proposent une mise en espace et un traitement du son originaux, un itinéraire personnel d'exploration et de découverte de la matière sonore, à travers des pièces mixtes – mêlant sources instrumentale et électroacoustique – sans parfois faire appel à l'instrumentiste.

Sorti des classes du CNSM de Paris où il travaille avec Marco Stroppa, Luis Naón et Jann Geslin, le compositeur chypriote Vassos Nicolaou présente Orbit, une page pour piano midi et dispositif électronique, dédiée à son interprète Dimitri Vassilakis. Dans ce jeu instauré entre le geste de l'interprète et ses extensions sonores dans l'espace créant des résonances artificielles, c'est la virtuosité déconcertante du pianiste qui fascine et focalise l'écoute sur le flot cristallin et très digital de l'écriture.

Composée à partir des poèmes de Rozalie Hirs [photo], La fenêtre de Rozalie de Sun-Young Pahg, compositrice coréenne, instaure une complicité intéressante entre la percussion, la voix et l'électronique, mettant en perspective spatiale la richesse du matériau sonore engendré. Si l'écoute parfois se disperse au fil des événements sonores, l'œuvre parvient à créer un climat onirique et personnel qui interroge.

Le compositeur mexicainJuan Cristóbal Cerrillo crée la surprise avec son œuvre pour sept caisses claires et un ordinateur érigé ici en « grand ordonnateur du tout ». Les caisses dispersées dans la salle et narguant le public (et les interprètes) réagissent aux diverses stimulations du dispositif électronique auquel elles sont reliées et résonnent d'elles-mêmes devant un public interloqué. Outre l'effet spectaculaire parfaitement réussi, c'est à une expérience d'écoute à laquelle nous convie Cerrillo, testant avec beaucoup de finesse et d'invention les capacités de distorsion des sonorités transformées « en murmures phoniques ou en étincelles lumineuses ».

…and even further conversations with myself…de Sascha Lino Lemke, compositeur d'origine allemande, met en scène le saxophone baryton et son interprète Vincent David à qui la pièce est dédiée. Reprenant la techique de l'Overdubbing (duplication électronique de la partie instrumentale, souvent utilisée par le pianiste de jazz Bill Evans), l'œuvre privilégie les couleurs fauves de l'instrument qui livre un corps à corps musclé avec son double électronique. Si la performance de Vincent David reste étonnante, Lemke parvient difficilement à inscrire le geste instrumental dans une véritable dramaturgie sonore.

Dans Big Bang, titre prometteur quant à sa projection sonore, Luis Fernando Rizo-Salom, compositeur colombien déjà connu du public parisien, travaille sur les complexes de sons et l'énergie du geste instrumental répercuté et démultiplié dans l'espace. À côté de Christophe Desjardins dont on ne vantera jamais assez l'implication et l'aisance magistrale, un gong et un tam, mis en lumière, sont également sollicités à distance par l'ordinateur pour sculpter un espace mouvant où s'inscrit la trajectoire du timbre. Dernière œuvre inscrite au programme, Big Bang en est aussi la plus aboutie, laissant pressentir, à travers le cheminement d'une pensée originale, le savoir-faire virtuose d'une main de maître.

MT