Chroniques

par bertrand bolognesi

cycle Ligeti | Mahler, 7ème concert

Cité de la musique, Paris
- 26 mai 2003
le compositeur hongrois György Ligeti
© dr

La dernière soirée de ce cycle [lire nos chroniques des 17, 23 et 24 mai 2003] fait la part belle aux Lieder de Mahler, formant un écrin à deux œuvres importantes du compositeur hongrois. Le choix d’ouvrir le concert par les deux derniers Lieder, Der Tambourg'sell et Revelge, impose dès l’abord un certain ton, l’un des plus morbides que l’on doit à l’auteu.

Le baryton Nathan Berg paraît peu à son aise dans ses pages – précisons à sa décharge que les options de Jonathan Nott ne se sont pas assagies durant le week-end. On apprécie un timbre intéressant, mais on souffre autant d’un chant tendu à l’extrême et comme paralysé. La chanson du jeune tambour bénéficie d’une sonorité tout à fait confortable et d’une expressivité sans excès sur le second couplet (« O Galgen, du hohes Haus... »). À partir de là, tout ira nettement moins bien. L’orchestre prenant d’un coup le devant de la scène, le chanteur nasalise à outrance pour se faire entendre, et s’il y parvient, c’est en perdant l’avantage d’un timbre chaleureux. De fait, sur la cinquième strophe (« Gute Nacht, ihr Marmelstein... »), il tente des aigus piano assez malheureux que pour finir il se résout à poser en voix de tête avec plus de succès. Nott oublie les effets contrapuntiques possibles entre la voix et des soli dans l’orchestre ; sa lecture présente peu d’intérêt.

Après une introduction instrumentale fort lyrique, le baryton prononce les premiers morts de Revelge en pressant radicalement le tempo du chef. On dérape un peu, puis tout entre dans l’ordre, mais le ton reste incertain. Sans s’encombrer d’une théâtralité hors de propos, l’histoire contée pourrait susciter un peu plus de jeu. Le défilé des camarades impassibles devant le corps du narrateur, représenté par un interlude d’orchestre qui forme un bref ballet, demeure sans crédit dans cette version qui affiche une platitude affligeante. Lorsqu’en fin de mélodie le chanteur s’implique enfin, c’est en prenant maladroitement le texte au premier degré.

On retrouve Nathan Berg et Mahler en fin de concert avec les Lieder eines fahrenden Gesellen où il semble nettement plus à l’aise. L’articulation de la phrase s’est détendue, les aigus sortent mieux et le dernier poème, Die zwei blauen Augen von meinem Schatz, donne lieu à une interprétation parfaitement réussie, bénéficiant d’une émission souple et légèreté qui n’écrase plus son grave. Le chef écoute enfin le soliste.

Les deux œuvres de György Ligeti au programme de cette ultime soirée bénéficient d’une attention plus heureuse. Tout d’abord son Trio pour violon, cor et piano (1982) sous-titré Hommage à Brahms que les solistes de l’Ensemble Intercontemporain – Hae-Sun Kang au violon, Jens McManamaau cor et le pianiste Dimitri Vassilakis – livrent dans une quasi perfection. L’équilibre que requiert le premier mouvement, proche à la fois d’un choral de Bach et d’une certaine façon d’agglomérer les accords de piano entendue dans la musique de Messiaen, est savamment respecté, ce qui n’est pas si simple. On retrouve dans le second mouvement un procédé d’échanges voisin de ceux du Concerto pour violon, sur des phrases plus conséquentes. Le thème exposé au violon voyage vers le piano, puis chez le cor, en subissant des distorsions, d’abord légères, puis de plus en plus déformantes, jusqu’à créer une sorte de variation méconnaissable. La Marche se fait particulièrement remarquer par la violence inouïe du jeu de Vassilakis, fidèle à la partition. Enfin, les pianississimi difficiles du cor dans le dernier mouvement étonnent par leur précision absolue.

Enfin, on n’entendra jamais assez souvent le splendide Double Concerto composé par Ligeti au début des années soixante-dix. La lecture qu’en donnent les musiciens du Mahler Chamber Orchestra s’avère équilibrée et efficace, bien que manquant du mystère qu’avait su donner à la sienne Claudio Abbado dans cette même salle, il y a quelques années. Pour brillant qu’il soit, il semblerait que Jonathan Nott ait tendance à rester superficiel dans ses propositions.

BB