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Chroniques
cycle Prokofiev de Valery Gergiev, concert 1
Concerto pour violon n°2 (Leonidas Kavakos), Symphonies n°1 et n°6
À quatre reprises, les musiciens du London Symphony Orchestra nous plongeront dans un bain prokofiévien dont les premières eaux nous accueillent lundi et mardi soir. Réparties sur deux soirées d'automnes et deux autres au printemps, Valery Gergiev fera entendre l'intégralité des symphonies de Sergueï Prokofiev, dont la Quatrième dans ses deux versions. Ce grand œuvre se mâtinera de quelques concerti : les deux que l'Ukrainien consacrait au violon et deux des cinq qu'il conçut pour son instrument, le piano (les Deuxième et Troisième).
Ce premier volet s'ouvre le plus logiquement qui soit par la Symphonie en ré majeur Op.25 n°1 « Classique », achevée en 1917. Avouons d'emblée que l'exécution n'en est pas des plus convaincantes. Après un Allegro un rien enrobé, à la générosité par trop brahmsienne, dont on apprécie qu'il laisse entendre plus que de coutume une parenté harmonique avec Moussorgski par-delà le modèle haydnien, le Largo paraît plus sage mais la Gavotte est exagérément appuyée. Quoique plus soigné, le dernier mouvement s’avère trop vertement contrasté. Cette disparité-là ne sert guère la clarté et l'élégance de la partition.
Tout en vérifiant le soin toujours observé par son auteur dans la conduite de la forme (et d’ailleurs strictement contemporain de la Classique), le Concerto pour violon en ré majeur Op.19 n°1 lorgne plus vers l'héritage récent, issu du romantisme et du symbolisme, que ne contredit pas encore une modernité brutale. Le violon de Leonidas Kavakos engage l'Andantino dans une déambulation d'une parfaite égalité d'impact. Le chef russe évite à l'accentuation toute démesure, réalise des demi-teintes plus subtiles dans un dessin plutôt raffiné. Le Scherzo central bénéficie d'échanges colorés, soutenant précautionneusement le soliste, tandis que le dernier épisode affirme plus encore la réserve de cette interprétation de grande tenue.
Un sommet est atteint dès la fin de ce premier rendez-vous du cycle avec la violente Symphonie en mi bémol mineur Op.111 n°6 qui, après sa création à l'automne 1947, n'eut pas l'honneur de plaire aux autorités soviétiques qui la retirèrent trop vite du répertoire officiel. Dès l'abord, Valery Gergiev oppose les caustiques accords de cuivres au moelleux des cordes. Le solo de hautbois révèle alors une tendresse éprouvante, comme tout le travail des bois, d'ailleurs. L'interprétation ravit l'écoute. La large attaque du Largo mène bientôt ses dissonances jusqu'au lyrisme. Dans une partition redoutable, le chef trace un chemin dont il dessine le geste général tout en colorant chaque détail. Après plusieurs passages au raffinement dépouillé, la sauvagerie hurlante du Finale – qui n'est pas sans rappeler certains accents de la Suite Scythe de 1915 – poignarde le mélomane qui, s'il y prend encore garde, peut tout en distinguer avec exactitude.
À suivre…
BB