Chroniques

par bertrand bolognesi

Czech Nonet
Richard Strauss, Richard Wagner et George Onslow

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc Roussillon / Corum
- 18 juillet 2011
Czech Nonet | Onslow, Wagner et Strauss
© dr

Depuis 1924, le Ceské noneto, autrement Czech Nonet voire Nonette tchèque, renouvelle ses membres à jouer dans cet effectif original et souvent difficile à situer entre le modèle purement chambriste et la formation nécessitant peut-être qu’on la dirige. Aussi n’est-il guère fréquent de pouvoir goûter un nonette sans faille, comme c’est le cas cet après-midi.

Tout commence par un bref quintette pour violon, clarinette, cor, basson et contrebasse, l’étonnant Till Eulenspiegel einmal Anders Op.28 qu’en 1954 Franz Hasenörhl concoctait à partir des thèmes du célèbre poème symphoniquede Richard Strauss. Sous-titré grotesque, cette pièce d’un auteur qui ne s’exprime que sous un pseudonyme ô combien réjouissant (traduire oreilles d’âne) affirme cependant une élégance raffinée, à l’inverse de l’hilarant arrangement de l’ouverture du Vaisseau fantôme de Wagnerpar Hindemith (1925), par exemple (Ouvertüre zum « Fliegenden Holländer », wie sie eine schlechte Kurkapelle morgens um 7 am Brunnen vom Blatt spielt für Streichquartett). Ces quelques huit minutes rendent ingénieusement compte de l’effervescence particulière de la partition inspiratrice, tout en inventant des conjugaisons timbriques exquises. Les musiciens pragois livrent une interprétation fort soignée et pleine d’esprit, de cet esprit délicieux qui ne sait ne pas sourire de ses traits.

Donnée aujourd’hui en création française, l’adaptation pour nonette (hautbois, basson, flûte, clarinette, cor, violon, alto, violoncelle et contrebasse) de Siegfried Idyll par le compositeur tchèque Tomáš Ille (2008) a tout pour plaire. Le fameux hymne d’anniversaire de Richard Wagner (1870) est engagé par la tendresse du trio à cordes, bientôt soutenu par la contrebasse et rejoint par le hautbois. L’équilibre s’annonçait fragile : les instrumentistes l’affirment évident. Saluons au passage l’excellence de Vladislav Borovka (hautbois) qui brille par la souplesse du phrasé et la finesse des nuances. Peu à peu, au fil des entrées, de nouvelles couleurs s’actualisent, réalisant alors un nouvel espace sonore, comme en poussant les murs. Ainsi l’intimité de l’effectif affirme-t-elle, plus encore que la version originale (quatuor à cordes et petit orchestre), la puissance contenue de la verve wagnérienne, qui appelle un orchestre de plus grande envergure (le maître le développerait un an plus tard).

Sans créations, résurrections, raretés et autres trouvailles, le Festival de Montpellier ne serait pas Festival de Montpellier ! Ce programme se conclut en 1848, année où George Onslow [photo], outre d’arranger sa Symphonie en sol majeur Op.71 de 1846 pour violon, alto, violoncelle, contrebasse et piano (Quintette Op.76), compose trois quintettes à cordes et le Nonette en la mineur Op.77 où il utilise l’instrumentarium imaginé par Spohr en 1813 (Nonette en fa majeur Op.31). Les membres du Czech Nonet ouvrent d’un bel élan lyrique l’Allegro sprituoso initial qui lorgne Weber et Schubert. L’expressivité du jeu s’avère souple et joueuse, de même que le relief toujours sagement dosé. La qualité médusante du son nous fait dire que peu de formations chambristes peuvent s’enorgueillir d’une telle perfection. Du Scherzo, Petra Vilánková (violon) expose le thème dans une inflexion vagabonde qui ne se départit pas de la grâce caractéristique de ce rendez-vous de 18h à la salle Pasteur. Discrètement, la forme prend son envol, jusqu’au Tema con variazioni, au ton infiniment cultivé quoique jamais chichiteux, où surviennent toutefois quelques soucis de justesse dans le choral de vents – c’est là l’unique réserve de ce concert. Le Finale, avec son fugato beethovénien, se révèle à la fois somptueusement ciselé et déjà d’une portée qui, d’une certaine manière, appelle la symphonie.

BB