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Chroniques
Daniele Rustioni joue Mendelssohn et Tchaïkovski
Shakespeare par l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon
L’Orchestre, le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra national de Lyon proposent, en ce dimanche après-midi, un concert autour de deux pièces de William Shakespeare, La tempête et Le songe d’une nuit d’été. En première partie, c’est La tempête de Tchaïkovski, fantaisie symphonique Op.18, qui dévoile un orchestre impeccable, sous la direction de Daniele Rustioni, son chef principal depuis 2017. On se souvient de la formidable prestation de la phalange, dirigée en mars 2019 par la même baguette, dans L’Enchanteresse du même compositeur [lire notre chronique du 15 mars 2019], et l’on se dit que ces artistes se montrent aussi à l’aise dans le répertoire russe qu’italien, qu’on imagine a priori davantage dans l’ADN de leur chef. La mer est évoquée par les cordes, bateau qui vogue sereinement sur de petites vagues. Puis l’agitation gagne avec les cuivres brillants, secondés par les percussions, ou encore les deux flûtes et le piccolo qui sifflent des coups de vent tourbillonnant. Comme dans un bulletin météorologique, les séquences alternent plusieurs fois entre atmosphères tranquilles et éléments déchainés, les cordes faisant preuve, pour ces derniers, d’attaques d’un mordant impressionnant. Après la pluie vient le beau temps, dit-on ; l’amour entre Miranda et Fernando triomphe finalement dans un tutti en crescendo, conclu par des coups de cymbales. Le magicien Prospero a renoncé à son pouvoir et tout revient à la tranquillité initiale, ponctuée par de charmantes vaguelettes sur une mer presque d’huile.
Après l’entracte, Le songe d’une nuit d’été de Mendelssohn – ouverture Op.21 et musique de scène Op.61 – convoque la musique, mais aussi le récit et le chant. Les pupitres dessinent une large palette d’atmosphères, entre des ambiances oniriques qui évoquent la nature, les elfes ou la forêt, et quelques pages plus majestueuses, comme la très connue Marche nuptiale. Placée côté jardin sur une chaise haute et légèrement sonorisée, la récitante Emmanuelle Bercot donne seulement de brefs coups d’œil au texte. Le débit coule avec naturel et sans théâtralité superflue. Le concert est annoncé sous la direction d’acteurs de Richard Brunel. La récitante dispose de plusieurs perruques et accessoires, sur la table à proximité, et en change le plus rapidement possible pour caractériser les personnages qui interviennent : couronne pour Oberon, lunettes noires de Titania, diverses perruques pour Hermia, Héléna, Lysandre, et un serre-tête orné de deux antennes à boules pour le remuant Puck. Les deux solistes Johanna Wallroth (soprano) et Tatiana Kuryatnikova (mezzo-soprano) portent ce même serre-tête pour évoquer les fées, leur accent dans le français parlé ajoutant au sentiment d’étrangeté. Pour ce qui concerne le chant, dans l’original allemand, les voix sont bien contrastées, claire et aérienne pour le soprano et plus sombre pour le mezzo, mais leur alliage sonne très agréablement. Les deux solistes, tout comme le Chœur féminin et la Maîtrise, ne sont sollicités que dans deux numéros parmi les douze de la musique de scène, mais leur préparation n’en semble pas moins excellente.
Un dernier coup de chapeau au chef Daniele Rustioni qui donne tous les départs aux participants, y compris pour les très nombreuses interventions d’Emmanuelle Bercot, et parvient à obtenir de magnifiques nuances dans l’orchestre... quitte à s’accroupir pour demander un effet piano.
IF