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Chroniques
Dardanus
tragédie lyrique de Jean-Philippe Rameau
On ne peut vraiment par dire que le cinquième des opéras de Rameau, qui adopte la coupe en un prologue et cinq actes alors habituelle à la tragédie lyrique, ait par tradition encombré les scènes françaises, même tard après le retour en faveur de l’opéra baroque, dans le dernier tiers du XXe dernier. D’où les allures événementielles que prend la nouvelle production élaborée par la cheffe Emmanuel Haïm, d’abord donnée à Lille puis à Caen, ensuite à Dijon, ville où Dardanus, fait quasiment exceptionnel, avait été donné en 1907 (en version de concert, il est vrai ) et qui vient de retrouver son lustre, du moins musical, dans le cadre fort approprié et l’acoustique excellente dont bénéficie le jeune et grand Auditorium de la cité des Ducs.
Au delà d’un livret mythologico-ennuyeux, la musicienne cisèle fort bien les nervures et les lignes directrices d’une partition dans son ensemble très architecturée et ingénieusement développée, parfaitement adaptée aux laborieux rebondissements du scénario, à la ligne mélodique joliment dessinée dans les nombreux épisodes dansés et à l’orchestration finement menée, en particulier lors des divers airs dévolus aux principaux protagonistes. Un travail vif et présent, aux tempi peut-être parfois un peu lents, mais une exemplaire construction sonore tirant le meilleur parti des qualités rayonnantes de l’orchestre du Concert d’Astrée. On aimerait en dire de même de chœurs moins homogènes…La distribution vaut par la musicalité et l’excellente diction française – on osera dire racinienne – des principaux chanteurs, comme Anders Jerker Dahlin dans le rôle-titre, Ingrid Perruche (Iphise), Trevor Scheunemann (Anténor), François Lis (Teucer), Andrew Foster-Williams (Isménor). On notait également la Venus musicale à souhait de Sonia Yoncheva, loin devant l’Amour à l’émission instable de Marie-Bénédicte Souquet.
L’élément visuel et scénique n’est, hélas, pas au même (haut) niveau.Loin des plumes, des dorures et des robes à panier longtemps chères à l’opéra baroque, Claude Buchvald a choisi la voie de la sobriété, voire du dépouillement parfois extrême. Pourquoi pas ? Mais, en complément de sa mise en scène bien conduite autour des roides décors d’Alexandre de Dardel, encore faudrait-il des costumes et une chorégraphie de la même trempe, ce qui n’est pas le cas. Les premiers, aux coloris volontiers criards, jouent dans la cour post soixante-huitarde, du genre love and peace – seuls manquent les chichons – alors que la seconde nous la joue chaloupée, farandole, bourrée et frémissement des mains, des bras et des poignets (l’un après l’autre ou de concert, au choix). Un manque cruel qui, toutefois, n’altère en rien les plaisirs procurés par l’interprétation musicale.
GC