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Chroniques
Darius Milhaud | L’homme et son désir, ballet
Félicien David | Christophe Colomb, ode-symphonie
À rebours des événements récents, le « concert vision » proposé par l'Atelier Lyrique de Tourcoing, ce vendredi 13, résonne comme le dernier de l'innocence, brisée au sortir d'une production mêlant vertus propédeutiques et raretés. On ne pourra que saluer la démarche de Jean-Claude Malgoire, jamais condescendante envers la diversité du public, constante depuis ses débuts il y a plus de trente ans.
En première partie de soirée, Darius Milhaud, appelé par son ami Paul Claudel, alors ministre plénipotentiaire à Rio de Janeiro, pour devenir son secrétaire, affirme un exotisme foisonnant dans le ballet L'Homme et son désir. En tenue colorée et « décontractée », comme ses musiciens, le chef français familiarise les spectateurs avec une écriture polytonale empruntant aux rythmes (sud-)américains au travers d'extraits ou motifs, fonctionnant alors comme repères que l'on retrouve au fil d'une pièce accompagnée par une performance chorégraphique au milieu de pupitres répartis selon une disposition originale.
L'engagement pédagogique se lit aussi dans le travail réalisé avec le conservatoire de la ville dont les étudiants en percussion se joignent aux forces de la phalange tourquennoise, au service d'un joyeux catalogue percussif – en somme, un authentique travail d'atelier lyrique. L'exigence de la mise en place se traduit d'abord par un communicatif plaisir de jouer, et l'on relèvera les vocalises sans paroles de Gwendoline Druesnes qui se mêlent à ce discours chamarré. Aux mouvements presque félins répondent une illustration vidéographique qui rappelle parfois les formes d'un Matisse – presque voisin en ce territoire frontalier.
Avec Christophe Colomb de Félicien David, le concert retrouve un format plus académique en même temps que le vestiaire des interprètes et la scénographie de Jacky Lautem. Mêlant marines et esthétisations de documents historiques, cette dernière se veut avant tout un écrin narratif à une partition qui retrouve, comme son compositeur, un regain d'intérêt auprès des salles et de la discographie – le même ouvrage avait été donné en ouverture de la pénultième édition 2014 du Festival Berlioz, à la Côte Saint-André [lire notre chronique du 22 août 2014]. C'est d'ailleurs à Berlioz qu'à l'écoute on peut songer, dans certains motifs et passages descriptifs, l'héroïsme teinté de mélancolie de certaines fanfares, ou encore l'utilisation des vents – le Traité de l'instrumentation publié quatre ans avant la création de cette ode-symphonie, en 1847, n'a sans doute pas été ignoré.
Le récit, confié à un Daniel Mesguich dont l'ambitus minimal renonce à toute emphase, se mêle à des introductions étales. Face à l'autorité du baryton Marc Boucher qui pourrait transmettre l'idéalisme du navigateur génois, le ténor Antoine Bélanger fait frémir des accents nostalgiques dans lesquels on imaginerait parfois la complainte d'Hylas dans Les Troyens, tandis que le soprano Juliette Raffin-Gay confirme l'hybridité de la tessiture, concentrée en son medium charnu. Les mérites de l'explorateur reviennent également à la direction de Jean-Claude Malgoire, équilibrant climats évocateurs et vitalité sans rechercher l'aseptisation.
GC