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Chroniques
de Tartini à Beethoven
S’il est vrai qu’un bonheur n’arrive jamais seul, les festivaliers des Nuits romantiques ont eu leur dose en la matière : le deuxième concert de l’édition 2010 s’avérait de la même qualité que le premier [lire notre chronique], avec une programmation bien différente, mais grâce à l’infatigable autant que juvénile violoniste Nemanja Radulovic, lequel avait trouvé le temps, entre les deux prestations, de participer à une animation musicale destinée aux chères têtes blondes aixoises.
Dans le cadre approprié offert par le petit Théâtre du Casino, il retrouvait ses partenaires chambristes : Guillaume Fontanarosa et Frédéric Dessus aux violons, Bertrand Caussé à l’alto, Anne Biraguet au violoncelle et Stanislas Kuchinski à la contrebasse. Plus que des compères, d’ailleurs, mais des amis en musique, ne formant qu’une seule entité faite de trémolos, de coups d’archet, de chant tour à tour exacerbé et éthéré, mais également de regards, de sourires et d’élans communicatifs autant que communautaires. Une communion avec la musique aussi palpable et louable dans une Chaconne délicieusement baroque de l’oublié Tomaso Vitali, que dans les ramages sonores du Rondo D. 438 de Schubert – donné dans sa rare version originale pour petit ensemble – ; dans la Légende de Wieniawski que dans le Prélude et Allegro de Fritz Kreisler ou le romanesque Souvenir d’un lieu cher de Tchaïkovski. Avant de terminer avec l’éclat, le brio et les jongleries d’archet qui parent la fameuse Sonateen sol mineur de Giuseppe Tartini, que ses envolées quasiment diaboliques pour les musiciens a fait qualifier de Trilles du diable et que Nemanja Radulovic menait en un train d’enfer et une musicalité paradisiaque, parfaitement suivi par toute l’équipe.
Et après le violon, le piano ! Dans le cadre superbe et l’acoustique séduisante de la Grange batelière servant jadis d’accès à l’Abbaye des bords du lac, le concert décentralisé atteignit la même musicalité, la même expressivité et la même communion entre artiste et auditeur qui avaient scellé les deux concerts précédents. Et le jeune pianiste italien Maurizio Baglini [photo] a tout aussi bien servi son instrument que son collègue franco-serbe avait servi le sien.
Là encore, l’éclectisme des dates, des genres et des époques permettait à l’artiste de développer des lectures aussi convaincantes que diversifiées, allant de quatre petites Sonates de Domenico Scarlatti, jusqu'à une brassée de pièces imaginées par Azio Corghi, compositeur italien contemporain lequel, dans ses Cinq chansons d’élite, s’est plu à évoquer, à la façon d’aujourd’hui, des pages et plus spécialement des chansons françaises, surtout de l’époque révolutionnaire résistant plutôt bien au procédé.
Tout à l’opposé des fameuses Images de Claude Debussy, ici finement ciselées, délicatement détaillées, mais sans sentimentalisme superflu, les six Grandes études de Ferenc Liszt, maîtrisées avec brio, enlevées avec vigueur et musicalité, ont gâté les mélomanes. Tout comme la séquence finale de la Neuvième de Beethoven revue et corrigée par l’inévitable Liszt, accordée en bis, laquelle a donné envie d’entendre l’intégrale des pages beethovéniennes version lisztienne, interprétée par Baglini. En attendant, il est toujours loisible d’écouter l’intégrale de la Neuvième qui vient de sortir en disque (Decca).
GC