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Chroniques
Debussy par le Quatuor Debussy et ses amis
une grande journée d’hommage en trois concerts
S’étant placé d’emblée sous les auspices du père de Pelléas, le Quatuor Debussy ne pouvait point manquer l’événement créé par le cent cinquantième anniversaire de la naissance de leur musical mentor. Dans le cadre de Cordes en ballade, la chose prend la forme d’une sorte d’hommage, musical lui aussi, rendu par les quatre instrumentistes, un pianiste complice et certains tout jeunes confrères qu’ils accueillent dans leur ardéchoise académie.
Quantitativement modeste, la partie chambriste de la production debussyste suscite une sorte de trilogie se déroulant à Viviers, l’un des principaux pôles d’accueil du festival, à la fois dans un salon de l’Hôtel de Ville, desservant fort musique, instrumentistes et public par son acoustique détestable, comme en la Chapelle du Séminaire qui, elle, offre au contraire, un environnement sonore des plus adaptés.
Page douloureuse écrite en 1915, en pleine guerre, par un Debussy qu’un cancer tourmentait déjà, la Sonate pour violoncelle et piano, très bien mise en place et développée par Hervé Billaut au clavier et Fabrice Bihan défendant avec une subtile présence l’importante partie de violoncelle, ouvre en beauté la série. Après quoi, le même pianiste et le violoniste Christophe Collette offrent une vision aussi convaincante qu’émouvante d’une autre partition crépusculaire du compositeur, la Sonate pour violon et piano (1917).
Claude de France et Hervé Billaut se retrouvent face à face, à travers trois partitions pianistiques parmi les plus connues. Estampes, ses mélismes et ses envolées toutes parfumées de brises venues d’Espagne et d’Extrême-Orient, le Livre I des virtuoses Images et les trilles foisonnantes de L’Isle joyeuse, revivent avec infiniment de relief. Alternant avec trois pièces « concurrentes » ou complémentaires : El Albaicín puisée dans Iberia d’Isaac Albéniz, la rutilante Sonate pour piano en mi bémol mineur de Paul Dukas et L’Enharmonique, page méconnue de Jean-Philippe Rameau.
Le troisième volet de ce marathon debussyste associe quatre grands classiques en la matière : les Danses sacrée et profane pour harpe et quatuor à cordes, Syrinx pour flûte seule, ainsi que la Sonate pour flûte, alto et harpe. Il fait aussi la part belle à deux jeunes musiciennes de l’académie : Anna Besson côté flûte, Pauline Hass côté harpe. Deux juvéniles, séduisants et prometteurs talents, le premier se jouant avec brio des difficultés accumulées comme à plaisir par le compositeur dans ses Danses, le second égrainant avec art, naturel et musicalité les pages de la diaphane Syrinx. Ces interprètes encadrent avec art l’altiste Vincent Deprecq dans la Sonate.
Le Quatuor Debussy se reconstitue pour conclure avec son homogénéité, sa musicalité, sa complémentarité habituelles le Quatuor en sol mineur de Claude Debussy (1893), leur partition fétiche, évidemment. Au milieu de cette marée debussyste, la journée fut également l’occasion de retrouver la musique made in USA (pierre angulaire autant que thématique de l’édition 2012), à travers deux pages, toujours aussi expressives, sensibles et sincères de Marc Mellits [lire notre chronique du 5 juillet 2012], compositeur en résidence cet été. Fruity Pebbles, son premier opus pour violon, violoncelle et piano, se love habilement dans le moule minimalisme, mais sans pudeur et répétitions excessives. Son Quatuor n°3, aux parfums « alimentaires » que lui donne le titre Tapas, évoque musicalement les mets espagnols en évitant judicieusement toute « espagnolade », enchaînant une brillante suite de brefs numéros – sortes de cartes postales sonores du plus bel effet, envoyées aux mânes de Gershwin comme à la femme aimée.
GC