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Demetrio e Polibio | Démétrius et Polybe
dramma serio de Gioachino Rossini
Demetrio e Polibio n'est certainement pas le meilleur de la production rossinienne, c'est le sentiment que nous avions eu en 2010 après avoir vu la production de Davide Livermore à Pesaro, impression confirmée neuf ans plus tard à l'issue de la reprise du spectacle dans ce même Teatro Rossini.
Répondant à une commande de la famille Mombelli, la composition du jeune Rossini fut créée en 1812 au Teatro Valle de Rome par le père ténor Domenico Mombelli, ses filles Ester, soprano, et Anna, contralto, la basse Lodovico Olivieri complétant la distribution prévue pour quatre rôles. Les sources autographes de l'ouvrage étant extrêmement parcellaires, il est très probable qu’il ne soit pas exclusivement de la main de Rossini, en particulier l'Ouverture et le grand air du ténor.
Parmi les quatre solistes réunis par le Rossini Opera Festival, on observe une nette domination des femmes, emmenées par le soprano Jessica Pratt (Lisinga), une fidèle de la manifestation depuis sa première participation en 2011. Après une courte montée en régime au premier acte, la voix s'épanouit pleinement au second pour culminer dans son grand air, Superbo, ah! tu vedrai. Certaines séquences relèvent du feu d'artifice vocal, suraigus piqués, rapides, stratosphériques, puissamment projetés, mais également quelques notes graves bien appuyées, la chanteuse se montrant alors en pleine possession de ses beaux moyens [lire nos chroniques de Rigoletto et Semiramide]. Le mezzo Cecilia Molinari (Siveno) chante certainement moins spectaculairement, mais le timbre est riche et séduisant, et la technique bien huilée. Les vocalises sont émises avec vélocité. Le grand air de l’Acte II, Perdon ti chiedo, o padre, est aussi empreint d'un brillant certain [lire nos chroniques du Siège de Corinthe et de L’Italiana in Algeri]. La voix du ténor Juan Francisco Gatell (Demetrio) est moins flatteuse à l'oreille, accusant par ailleurs des limites dans le grave et des tensions dans la partie aigüe, d'un volume s'étant fortement développé ces dernières années, au détriment de l'élégance de la ligne vocale [lire nos chroniques de Don Pasquale et Falstaff]. La basse Riccardo Fassi (Polibio) fait d’abord fort bonne impression, mais fatigue plus tard, avec une tenue moins ferme en fin de spectacle [lire notre chronique d’Il pirata].
Les musiciens de la Filarmonica Gioachino Rossini sont bien préparés, sous la baguette de Paolo Arrivabeni, tandis que le Coro del Teatro della Fortuna M. Agostini maîtrise davantage la nuance piano que le forte.
Depuis ses débuts en 2010 à Pesaro, la carrière du metteur en scène Davide Livermore a pris un envol à haute altitude. Sa réalisation de Demetrio e Polibio, en collaboration avec l'Accademia di Belle Arti d'Urbino pour les décors et les costumes, n'est toutefois pas sa plus grande réussite. Il s'agit, plus que jamais, d'une lecture très théâtre dans le théâtre : à l'entame, un rideau se baisse en fond de plateau après les saluts d'un chanteur, on se congratule entre machinistes et on range les décors pendant qu'un pompier lit le quotidien La gazzetta dello sport. Les quatre protagonistes sortent alors des boîtes à décors, chacun ayant son double muet, permettant ainsi des mises en miroir ou des faux déplacements très rapides. Le procédé est toutefois extrêmement répétitif, comme les flammèches qui s'allument dans la paume des solistes. Des alignements de costumes descendent des cintres, permettant des jeux de cache-cache, Linsiga allongée sur un piano s'élève en hauteur avant son enlèvement, et les pompiers reviennent de temps à autre pour éteindre un feu ou éclairer la scène sombre de leur lampe torche. La lumière s'allume aussi plusieurs fois dans la salle, et on retiendra le duo poétique, Questo cor ti giura amore, entre Lisinga et Siveno pendant lequel une bougie flotte dans les airs au-dessus de la fosse d'orchestre, avant de revenir dans les mains des amants.
IF