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Chroniques
Der fliegende Holländer | Le vaisseau fantôme
opéra de Richard Wagner
Il est des opéras qui s’ouvrent inévitablement sur une image quasiment obligée. Avec le fliegende Holländer wagnérien, il s’agit bien sûr d’un navire vieille formule, le plus gigantesque possible, du moins en fonction des dimensions du théâtre concerné, un navire qui jaillit tour à tour en jardin et en cour avant de s’immobiliser au milieu d’un monde (pour ne pas dire un océan) de vagues tumultueuses, réinventées au mieux (ou le moins mal possible) par le décorateur de service. Après quoi…
Dans certaines productions – et les mélomanes festivaliers estivaux ont des souvenirs peu palpitants en la matière [lire notre chronique du 12 juillet 2013], l’objet reste banalement là et encombre le premier acte. Dans la présente version que présente l’Opéra national de Lyon, il s’impose dès la première minute, alors même que sonnent les échos de tempête de l’Ouverture, dans un univers fougueux d’eau et de sable mouvant, zébré d’éclairs, agité d’ombres et de lumières, aussi vivant que fascinant. Le ton est donné, l’histoire est lancée. Le monstrueux habitacle flottant restera au cœur de l‘histoire tout au long des trois actes, pivot vital d’un monde où vivront les humains de l’affaire, en une intemporalité où l’aujourd’hui et l’hier se mêlent, se défient et se synthétisent, où la construction talonne la destruction et vice-versa, où l’humain se heurte à la nature, l’espérance à la résignation, l’amour à l’appât du gain.
On l’aura compris : active, combative, foisonnante mais sachant ménager des moments de repos, en osmose avec la partition, la composante scénique de ce spectacle s’avère aussi convaincante qu’efficace. Associant fort bien le travail scénique d’Alex Ollé, les décors d’Alfons Flores, les éclairages efficaces d’Urs Schönebaum, la vidéo point écrasante de Franc Aleu et même, globalement, les costumes de Josep Abril.
L’autre atout est musical, avec la direction précise au millimètre près, mais vivante de Kazushi Ono, très à son aise dans la sphère wagnérienne. Il dose avec art les plans sonores et sait même se faire lyrique quand il convient, dans cette œuvre de jeunesse, encore toute embuée d’effluves romantiques. Il tire de réelles beautés de l’orchestre local, en grande forme, et bénéficie d’un atout de poids : la vigueur, la musicalité, la ductilité du chœur « maison », dirigé par Philip White, son nouveau chef.
Cette symbiose est aussi présente dans une distribution plutôt bien équilibrée, dominée par le Hollandais aussi solide que subtil de Simon Neal. La Senta de Magdalena Anna Hofmann ne le lui cède en rien, avec son timbre musical et changeant, ses aigus jamais durcis, ses demi-teintes bien menées. Au delà de graves solides, le Daland de Falk Struckmann est nettement moins à l’aise dans le phrasé, mais tous sont bien entourés par Eve-Maud Hubeaux (Mary), Luc Robert (le Pilote) et par l’Erik tout d’une pièce de Tomislav Mužek. Ainsi l’institution lyonnaise ouvre-t-elle sa saison avec éclat.
GC