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Der Golem, wie er in die Welt kam
film de Paul Wegener – musique de Jorge García Herranz
En 1892, autrichien d’origine mais Pragois d’adoption, Gustav Meyrink (1868-1932) renonce au suicide et se jette dans l’étude d’ouvrages occultes. Avec la théosophie (système philosophique ésotérique à travers lequel l'être humain tente de connaître le divin et les mystères de la vérité), la sophiologie (développement philosophique et théologique chrétien, en relation avec la sagesse de dieu elle-même divinisée) et le mysticisme oriental, la Kabbale nourrit son imaginaire d’auteur fantastique dont les œuvres abordent nombre de traditions occultes (occultus, ce qui est caché, secret). Loi orale et secrète donnée par Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï – en même temps que la Torah, écrite et publique –, cette dernière permet une approche spirituelle du créateur (spéculations métaphysiques), la compréhension intime du monde (origine de l’univers, rôle de l’homme) et plus largement d’appréhender d’autres systèmes de pensée (meilleure connaissance de soi).
Si les nouvelles grotesques et satiriques de Meyrink parues dans Simplicissimus sont appréciées, le succès de son premier roman, Le Golem (1915) est quant à lui phénoménal. Là encore, l'auteur n’invente pas son terrible humanoïde à l’instar de Mary Shelley, mais puise dans la littérature talmudique (qui traite notamment des mythes) pour en extraire cet être « inachevé » populaire dans la culture juive d’Europe centrale.
Acteur au théâtre à ses débuts, l’Allemand Paul Wegener (1874-1948) s’intéresse plus d’une fois à ce personnage « de trois aunes de long » (soit plus de trois mètres, comme l’indique la légende), né de l’argile sous les doigts du rabbin Löw pour protéger la communauté du ghetto de Prague, au XVIe siècle. Il réalise tout d’abord Der Golem (1915) – à quatre mains avec Henrik Galeen, le futur scénariste de Nosferatu, eine Symphonie des Grauens (1922) qui inspirerait des compositeurs tels Jam [lire notre chronique du 8 juillet 2011] et Mitterer [lire notre chronique du 22 septembre 2010]. Cette adaptation du roman éponyme, aujourd’hui disparue, est suivit de la comédie Der Golem und die Tänzerin (Le Golem et la danseuse, 1917) et du sombre Der Golem, wie er in die Welt kam (Le Golem : comment il vint au monde, 1920), coréalisé avec Carl Boese.
Chef-d’œuvre du cinéma expressionniste – quoique plus naturaliste que Das Kabinett des Doktor Caligari (1919) ou Von Morgens bis Mitternachts (1920) [lire notre chronique du 13 mai 2006] –, le film dont Weneger interprète le rôle-titre est accompagné ce soir par le pianiste espagnol Jorge García Herranz, professeur au Conservatoire Darius Milhaud (Paris). Il ne reprend pas la partition originale d’Hans Landsberger mais improvise avec nuance et délicatesse, dans un esprit proche de la Seconde École de Vienne. Certains climats sont plus animés, tels la découverte du décret d’expulsion, l’apparition démoniaque d’Astaroth qui peut fournir le mot secret animant l’« embryon », ou un bal chez Rodolphe II, ouvert par un rang de trompettes. D’abord limitée à la synagogue, la musique d’inspiration folklorique envahit peu à peu la ville, à mesure que s’y répand la folie du monstre, bientôt vaincu par un enfant.
Rendez-vous le 13 décembre prochain avec un autre ciné-concert : Die Abenteuer des Prinzen Achmed (Les aventures du Prince Ahmed, 1923), un film de Lotte Reiniger à base de silhouettes animées mêlant plusieurs histoires des Mille et une nuits.
LB