Chroniques

par bertrand bolognesi

Der Zwerg | Le nain
opéra d’Alexander von Zemlinsky

Opéra national de Lorraine, Nancy
- 29 juin 2013
nouvelle production de Der Zwerg, opéra de Zemlinsky, à Nancy
© opéra national de lorraine

Soirée brève, au théâtre de Joseph Hornecker, avec ce Nain de Zemlinsky qui demeure l’un des opéras les plus représentés du musicien, avec Die florentinisches Tragödie joué ici-même il sept ans [lire notre chronique du 20 septembre 2006]. Nous retrouvons l’équipe inspirée qui signait la fort belle production de Die tote Stadt de Korngold [lire notre chronique du 9 mai 2010] : Bettina Walter pour les costumes et Raimund Bauer pour le décor, la mise en scène de Philipp Himmelmann se plaçant avantageusement sous les lumières de Gérard Cleven.

Les appartements de l’Infante Clara sont d’un néoclassicisme début XXe, quant aux volumes, avec une vaste fresque peinte bien de son temps qui bientôt révèle un jardin onirique somptueusement enchanteur, où la princesse elle-même s’ébroue dans la compagnie de dryades et faunes, sur une balançoire vraisemblablement évocatrice d’autres voluptés, ainsi que le suggèrent mieux encore les acrobates dignement callipyges du ballet – cirque troublant qui convoque allègrement les créatures de von Stucket celles de Goya. Au scintillement bleu de la jeune femme, coiffée en poupée follette, répondent les tissus chatoyants de ses nombreuses suivantes. Sous la verdure pastorale coulisse une boîte : « le plus beau est affreux », dit le livret qui emprunte à Oscar Wilde… de là surgit un bouffon qui se prend pour un grand seigneur et clame des vers chevaleresques qui font s’esclaffer les gamines moqueuses. On connaît la suite [lire nos chroniques du 23 janvier 2013, du 19 mai 2012 et du 8 février 2003]. Pour le Nain, le miroir violemment brandi par celle qu’il aime ne peut que mentir, car c’est d’elle seule qu’il demande la vérité, après s’être symboliquement évanoui sur son « origine du monde » : la quête de l’image de soi donnée par l’autre dans l’amour fait tout le sujet de cet ouvrage.

Dans l’ensemble, le plateau vocal réunit par l’Opéra national de Lorraine satisfait. Olga Privalova y est une Servante au timbre favorablement miellé, Oleg Bryjak un Majordome de ferme autorité quoiqu’un rien brutalisé par un parlando souvent abusif, tandis qu’Eleonore Marguerre campe une Ghita idéalement straussienne à la ligne bien menée. Remarquable Marietta en 2010, Helena Juntunen livre une Clara divinement boudeuse, perfidement tendre, en toute facilité, d’un timbre qu’on pourrait dire « offert ». Enfin, Erik Fenton compose un Nain en dérisoire Prince Renaissance criblé d’angiomes, hématomes et autres coquetteries grotesques. Le ténor arbore un timbre clair et souverainement incisif, une conduite vaillante, une émission sans histoire et, malgré un haut-médium étrangement fragilisé, voire enroué, qu’il doit forcer, un aigu formidablement libre.

À la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, l’Autrichien Christian Arming affirme, dès l’attaque rondement menée, un brillant travail de fosse traversé d’une sensualité indicible que magnifie un relief cependant toujours soigneux de l’équilibre avec les voix. Les alliages timbriques sont mis à profit de l’expressivité, dans une lecture volontiers rapide qui imprime une marque nauséeuse à l’argument.

BB