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Chroniques
des raretés de Jadin, Cambini et David
à la découverte de quatuors oubliés
Après la série de concerts accompagnant son inauguration en octobre dernier, le Centre de musique romantique française de Venise présente un festival qu’il intitule Le salon romantique et qui, un jour sur deux, convie le public à découvrir quelques pages demeurant peu jouées aujourd’hui, voire pas du tout. Ces rendez-vous ont lieu au Palazzetto Bru Zane, restauré avec autant de respect de l’histoire que de goût, et c’est le Quatuor Cambini que pour commencer nous y entendrons, jeune formation empruntant son nom au compositeur Giuseppe Maria Cambini (1746-1825) dont elle a choisi le Quatuor en sol mineur (Livre 18, n°2) pour ouvrir la soirée.
L’on en sait peu sur Cambini dont le temps transmit à peine le souvenir d’un personnage au destin assez aventureux sans retenir précisément ses dates de naissance et de mort. La remarque n’est pas anecdotique : alors qu’on reconnaît n’en pas savoir grand’chose, on n’hésite pas à lui prêter toute sorte de méfaits assez antipathiques. Gageons que le parfum d’aventure évoqué plus haut aura tourné les têtes… Le plus important : la musique, bien sûr ! Un Allegro affettuoso introduit l’œuvre, dans un échange délicat des deux violons sur lequel se dessinent en alternance les reliefs d’alto et de violoncelle, révélés ici par une saine dynamique de l’interprétation. Une lumière soigneusement équilibrée laisse poindre l’Adagio central, bientôt suivi par la tonicité presque schubertienne duPresto conclusif.
En ce début de siècle qui fait de la performance son unique credo – alors que partout l’on dit que ceci est mieux que cela, que l’action commune se résume de plus en plus à la compétition, travers qui gagne les arts et la musique, des domaines dont la nature laisserait aisément supposer qu’on ait pu les en préserver –, il fait bon d’apprécier un bel esprit d’exploration plutôt que de comparaison ou de sanction. Toutefois, si l’on préfère penser que cela est différent de ceci, l’autre travers de notre époque - à savoir cette fébrile maladie de collectionneur qui conduit le plus grand nombre à tout photographier, enregistrer, filmer, comme pour en plus sûrement encombrer une mémoire qui, au fond, ne se fixe plus sur rien – n’est pas le moteur du propos, comme en témoigne la qualité des pages programmées.
D’Hyacinthe Jadin (1769-1802), l’on donne le Quatuor en si bémol majeur Op.1 n°1 qui, à sa manière toute personnelle, rend hommage à Haydn. L’écoute est immédiatement saisie par la gravité de ton du Largo introductif d’un Allegro non troppo plus léger. Les contrastes s’affirment fermement mais sans heurts. L’Adagio évolue ensuite en une sorte de touffeur, fatiguée plus que contemplative. À un gentillet Menuet succède le Finale plein d’esprit, jusqu’en ses fausses fins.
Encore connu pour ses œuvres vocales qu’on ne joue pourtant plus, Félicien David écrivit également un Quatuor à cordes en fa mineur n°1 dont l’Allegretto installe une tendre mélodie soutenue par une écriture plus symphonique, appelant un travail de couleurs. Les Cambini ne s’y trompent pas en mâtinant leur exécution d’une sonorité plus épaisse. Alors qu’un petit ronron menace, des surprises sans cesse renouvelées stimulent l’oreille, dans la véhémence d’un style nettement plus tardif. Après un Andante au lyrisme modeste, chantonnant pour ainsi dire, le bref Scherzo fronce les sourcils, cet opus s’achevant par une danse optimiste.
Qui prétendrait encore que les mélomanes viennent toujours écouter les mêmes scies, comme des enfants réclamant chaque soir le même conte ? Il semble bien, au contraire, que le désir d’aborder ces partitions oubliées habite le public venu ce soir, un désir que ne manqueront pas de satisfaire les prochains concerts de ce salon romantique, jusqu’au 27 février.
BB