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Chroniques
deux créations signées Ed Bennet et Silva Colasanti
Ausland et Tra il fuoco e la rugiada
L’Orchestre National de Belgique (ONB) participe activement au programme Tactus. Tactus est un forum de jeunes compositeurs destinés à développer leurs connaissances de l’orchestre symphonique et à les familiariser aux différentes formes d’écriture pour cet effectif. Plus important : les partitions sélectionnées sont jouées par différents phalanges – l’Orchestre National de Belgique, le Vlaams Radio Orkest, le Rotterdams Philharmonisch Orkest et le
Si l’initiative de Tactus est salutaire, on ne peut qu’être frappé par l’absence de personnalité qui se dégage de ces deux partitions. C’est de la musique contemporaine « de bonne famille » qui tend plus vers l’exercice de style que vers la partition inspirée. D’ailleurs, ces deux pièces pourraient fort bien être réunies en un corpus unique, tant la musique de Silvia Colasanti apparaît comme le second mouvement de celle d’Ed Bennet. Les mêmes tics d’instrumentations sont présents dans les deux opus : climats apaisés traversés de percussions, atmosphère épurée et assez répétitive des cordes, structure cyclique, etc. On espère tout de même que les deux créateurs sauront inventer un style autrement plus cursif et personnel. Grand spécialiste de la musique de son temps et fondateur de l’ensemble spécialisé néerlandais Asko-Schönberg, Reinbert De Leeuw conduit de main de maître un orchestre précis et attentif.
Ce généreux programme se complète par le Concerto pour violon et orchestre en ut # mineur Op.129 n°2 de Dmitri Chostakovitch, sous l’archer de Sergeï Khachatryan, dernier lauréat de la session de violon du Concours Reine Elisabeth. D’emblée, le jeune homme (né en 1985) sidère par la pureté du jeu et le tranchant de la sonorité. La maîtrise est absolument totale, mais on sent le musicien plus tenté par la démonstration que par l’interprétation. Un jeu brillant mais avare de tensions peine à imposer cette œuvre déchirée et souffrante. Là où David Oïstrakh, par exemple, laissait entendre un terrible drame, Khachatryan s’en tient à une simple évocation. Il faut saluer la rigueur et la hauteur de vue de l’accompagnement tissé par Reinbert De Leeuw à la tête de l’ONB dont les différents pupitres, et surtout les cors, se mettent en valeur.
Le Sacre du printemps de Stravinsky est le plat de résistance de la soirée, malheureusement joué dans l’édition révisée en 1947 qui limite les parties de bois. Le chef tente d’allier tension et clarté des textures. Certains moments sont très réussis, surtout dans la seconde partie, mais cette lecture se fait au détriment des contrastes et des dynamiques qui manquent d’impact. L’ONB n’est pas une grosse machine, mais certains de ses pupitres se sont montrés sous leur meilleur jour : les trombones, les clarinettes, les flûtes. En conclusion : un concert au programme loin d’être évident, au niveau de la logique, mais intéressant. Le public, venu nombreux pour un concert réunissant autant d’œuvres modernes, est passablement distrait et bruyant, malheureusement.
PJT