Chroniques

par bertrand bolognesi

deux inédits de l'enfant Ferruccio Busoni
rencontre avec Peter Paul Kainrath, patron du Concours International Busoni

Festival Pianistico Ferruccio Busoni / Église des Dominicain
- 2 septembre 2008
le Coro Filarmonico Trentino, photographié à Bolzano par Gregor Khuen Belasi
© gregor khuen belasi

Le public est venu nombreux, cet après-midi, pour découvrir ce que Ferruccio Busoni composait à douze ans, en 1878. Grâce à Giuliano Tonini à qui l’on doit la transcription et l’édition critique des manuscrits, il peut entendre la Messe Op.34 et l’Ave Maria en création mondiale. Ce concert vient conclure en musique le Colloque International Busoni qui occupa la ville toute la journée, dont le thème était précisément Un enfant prodige en tournée ; correspondance inédite et amitiés Tyrol-Trentino. Peter Paul Kainrath, directeur artistique de la Fondation Concours International Busoni, nous en dit quelques mots :

« Lorsqu’en 1949 le concours fut fondé par Arturo Benedetto Michelangeli et Cesare Nordio, son but était d’honorer cette grande figure du mariage culturel entre l’Italie et l’Autriche que fut Ferruccio Busoni. Il y avait donc beaucoup de sens à le réaliser ici, à Bolzano, dans le Haut Adige. On voulait utiliser le festival pour replacer Busoni dans ses divers aspects : le compositeur, le pianiste, l’enfant prodige, le chef d’orchestre, le penseur, etc. D’où un colloque sur la jeunesse de Busoni, en 1878, à Bolzano en particulier, dans le Tyrol en général. Giuliano Tonini, spécialiste de Busoni, a organisé ce colloque où sont intervenus Andrea Bonatta, Antonio Carlini (Correspondance inédite), Alberto Fassone (La transcription dans la pensée esthétique de Busoni), Giacomo Fornari (Busoni et Don Giovanni de Mozart), Romano Vettori (Documents inédits conservés par l’Académie Philharmonique de Bologne), Marco Vincenzi (Italiens à Berlin : l’amitié entre Busoni et les frères Anzoletti) et Martina Weindel (Lettres aux parents). L’on pourra d’ailleurs noter la corrélation entre la jeunesse de Busoni et celle de Kit Armstrong qui donnait un concert ici, il y a une semaine. Une belle filiation : Armstrong est l’élève d’Alfred Brendel que distingua la première édition du concours Busoni – il y obtenait un quatrième prix qui servit de tremplin à sa carrière, les trois autres n’ayant pas été attribués avant 1952 (premier prix alors décerné à Sergio Perticaroli, aujourd’hui président du jury) –, Brendel qui a donné ici, la veille, son récital d’adieu dont la tournée s’achève » [lire notre chronique du 25 juillet 2008].

Dès le Kyrie de la Messe Op.34, l’on remarque la maîtrise stupéfiante de l’héritage palestrinien. Le Gloria tisse un fin travail polyphonique qui met en valeur la vaillance du Coro Filarmonico Trentino, placé sous la direction de Sandro Filippi. Le Credo marie l’influence grégorienne à une inquiétude encore romantique qui inscrit le jeune Busoni dans son temps. La mélopée des basses du Crucifixus retient l’écoute, de même qu’un Sanctus robuste mis en relief par les bondissements joyeux de l’Hosanna. Contrapuntique, le Benedictus introduit un Agnus Dei au recueillement suave. Indéniablement, Busoni se souvint également des maîtres anciens dans son bref Ave Maria à quatre voix qui bénéficie d’une exécution soigneusement équilibrée.

Après-demain sera rendu public le verdict du jury du concours Busoni (les vingt-quatre pianistes sélectionnés donneront alors un concert-marathon). Rappelons en les règles. Il se déroule sur deux années, la première consacrée aux présélections, la seconde aux épreuves de demi-finale et de finale. Les candidats de la phase 1 (2008 pour le cinquante-septième concours qui décernera ses prix en 2009) ont à présenter un programme d’une demi-heure de musique, intégrant une étude de Chopin, une étude de Liszt et une pièce à choisir parmi celles de Bartók, Debussy, Ligeti, Prokofiev, Rachmaninov ou Stravinsky. Suivra une sonate classique (Beethoven ou Mozart) ou une page romantique (Brahms ou Schumann).

« Nous voulons donner une chance à tout type de pianistes. Autrefois, le Busoni était tourné vers la seule virtuosité. Désormais, il accueillera les veines classiques et romantiques », précise Peter Paul Kainrath. Vingt-quatre jeunes seront retenus qui concourront dans un an. Une demi-finale fera entendre chacun d’eux dans des œuvres de Busoni (programme de quarante minutes). La finale soliste (une heure, douze candidats) impose une transcription de Bach par Busoni, une sonate de Beethoven, une pièce choisie par le candidat et une pièce que le jury lui aura demandé de préparer à l’issue des épreuves de présélection. Un concerto de Mozart occupera la première finale avec orchestre (six candidats), tandis que l’ultime épreuve (trois candidats) empruntera aux concerti de Bartók, Beethoven, Brahms, Chopin, Liszt, Ravel, Rachmaninov, Prokofiev ou Saint-Saëns.

« Tout en faisant partie des dix concours pianistiques internationaux les plus importants, le concours Busoni a désormais moins de moyens que par le passé. Son but actuel est d’arriver malgré tout à donner à ses lauréats le maximum de visibilité. Il lui faut donc trouver de nouveaux partenaires pour imaginer un rayonnement différent ».

BB