Chroniques

par gilles charlassier

deux mélodies de Florentine Mulsant
Le silence par Chloé Jacob, La biche par Samuel Pilot

Académie Festival des Arcs / Centre Taillefer, Arc 1800
- 27 juillet 2018
Le silence, mélodie de Florence Mulsant, par Chloé Jacob
© dr

Non content d'explorer librement le répertoire et la création musicale, ainsi que l'illustrent les deux concerts précédemment entendus [lire nos chroniques des 25 et 26 juillet 2018], l’Académie Festival des Arcs est aussi une école où les solistes de demain se perfectionnent avec leurs aînés dans le répertoire chambriste : si les opportunités ne manquent sans doute plus dans le paysage musical estival aujourd'hui, le programme des Arcs conserve néanmoins une originalité d'avance, où se rencontrent l'excellence et la convivialité, jusqu'à forger des affinités familiales. Tout au long de leur séjour, les musiciens en herbe livrent leurs talents et leurs progrès, l'après-midi à la Coupole ou à l'Hôtel Mercure, après les classes du matin, jusqu'au concert de clôture au Centre Taillefer, ce vendredi.

Dans la continuité de la résidence de Florentine Mulsant, celui-ci s'ouvre sur deux des Quatre mélodies Op.61 que la compositrice écrivit à la demande du Concours de Mâcon, pour son édition 2016. Elles sont ici confiées à deux artistes du pôle chant de l'académie. Couvrant le spectre des quatre principales tessitures consacrées, aigu et grave pour chacun des deux genres, le recueil équilibre valorisation technique et sens de l'expressivité.

Pour soprano, Le silence (n°1) met en notes un poème de Maurice Rollinat tiré de son recueil le plus célèbre, Les névroses, publié en 1883. La page distille une mélancolie délicate, balancée au gré d'une versification jouant de l'effet de ritournelle. La facture vocale se fond dans l'accompagnement, dans une alchimie évocatrice qui sollicite le passage de registres. Sans renoncer à l'intelligibilité, Chloé Jacob [photo] met en évidence les couleurs de la partition, avec un soin appréciable. Moins originale sans doute, La biche (n°4), pour baryton, retrouve une dialectique plus classique entre voix et clavier, dans une inspiration qui puise largement dans la mélodie française – renouvelée de manière plus attendue que dans le premier numéro. Samuel Pilot assume une présence indéniable, une émission claire qui gagnera en rondeur au fil de la maturation.

Le reste de la soirée voit se succéder des formations diverses, au gré d'ouvrages réduits généralement à un mouvement. Elle nous fait passer de Schubert à Debussy, en passant par Brahms, jusqu'à un dixtuor qui n'est rien d'autre qu'un arrangement du Menuet de la Symphonie en si bémol majeur D.485 n°5 de Schubert. La saveur et la collégialité s'affranchissent de la dictature de l'original, c'est l'une des règles – et des enjeux – d'un festival consacré à la musique de chambre. Les limites n'en sont que l'engagement et le plaisir partagé des interprètes et du public.

GC