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Chroniques
Dido and Æneas | Didon et Énée
opéra de Henry Purcell
Nicole Paiement est une cheffe d'orchestre à suivre, en Amérique du Nord. Entre deux créations à l'Opéra de Dallas (Everest de Joby Talbot fin janvier, avant une reprise bien possible à Londres bientôt, et Great Scott de Jake Heggie, déjà géniteur d’un Moby-Dick [lire notre critique du DVD], annoncé pour fin octobre), la très souriante Franco-Ontarienne, quand elle ne dirige pas la compagnie Opéra Parallèle à San Francisco, revient parfois à ses premières amours lyriques françaises et peut même remonter jusqu'au baroque le plus génial, explosant le genre, à savoir le Didon et Énée d’Henry Purcell.
Ce chef-d’œuvre de l'opéra anglais s'est glissé cet été à l'affiche du festival en plein air de l'Opéra de Saratoga Springs. Dans une ambiance de garden party bon enfant, derrière un petit public apparemment riche en novices curieux, Nicole Paiement dirige loin de la scène le petit orchestre local, pour une production somme toute modeste qui a d'abord le mérite d'exister dans le contexte social général nord-américain de très lente ouverture au classique. Une bonne part de cette musique retransmise par des enceintes au pied de la scène paraît se limiter à un accompagnement des chanteurs au clavier électronique en mode clavecin.
Le spectacle fait plutôt fait la part belle aux ballets, suivant la mise en scène de la chorégraphe américaine vedette des années quatre-vingt Karole Armitage (surnommée alors la ballerine punk). Il est donné dans la cour du musée national de la Danse, un ancien grand centre de cures thermales aux faux airs de monastère, situé à quelques heures de New York. En dépit des intentions probables d’Armitage (dont le musée présente une expo-promotion), le cadre bucolique, entre bosquets et champs de maïs, se prête peu à l'histoire de Didon et Énée, ici plutôt expédiée comme un drame à base mythologique. La scène a certes été construite de manière à intégrer à travers ses planches le bel orme de la cour, mais en permettant surtout aux danseurs de s'exprimer pleinement sur une longue promenade.
Au fil de l'opéra, de nombreuses propositions de ballet moderne mettent donc en valeur avant tout les jeunes élèves de l'école new-yorkaise de Karole Armitage, tous dynamiques, créatifs et enthousiastes. En solo ou en groupe, leurs représentations originales ne respectent pas toujours les cadences de Purcell. Ainsi le retour aux sources chorégraphiques n'est hélas pas évident pour cette œuvre créée en 1689, croit-on, à Chelsea, au pensionnat de jeunes filles du maître à danser Josias Priest.
Dans cet ensemble confus (en images comme en sons), les démonstrations des étudiants, en costumes moulants piquées de quelques plumes d'Amérindiens, se mêlent aux jeux très énergiques – à part certaines poses tragiques autour de l'orme – des chanteurs et des choristes, également jeunes et méritants. Dans la distribution, légère domination de Jennifer Johnson Cano, avec le professionnalisme et le lamento attendus – le mezzo soprano est à nouveau engagée par le Met’ pour la saison prochaine (où l'on a sans doute connu des Didon plus royales).
FC