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Didone abbandonata | Didon abandonnée
dramma per musica de Leonardo Vinci
S'il dispose depuis décembre 2011 d'un vaste complexe porte de Prato, dessiné par l’architecte Paolo Desideri, et qui accueille entre autres le Maggio Musicale Fiorentino, l'Opéra de Florence ne se contente pas d'investir cette grande salle pour les titres les plus en vue de la saison – ou les plus inscrits au répertoire, pour le dire autrement, à regarder de plus près la programmation. À Oltrarno se trouve un autre édifice du début du XIXe siècle, rénové à la fin des années quatre-vingt-dix, le Teatro Goldoni qui sert pour les spectacles en marge, souvent associés à une louable optique pédagogique en faveur du public scolaire : ainsi relève-t-on un cycle formé par Il viaggio di Roberto de Paolo Marzocchi (compositeur né en 1971 à Pesaro) et deux concerts, un peu plus tard en mars, autour des guerres mondiales du Novecento. Cette scène intime offre également un écrin à l'exhumation de raretés baroques, à l'instar des trois représentations, en ce début d’année, de Didone abbandonata de Leonardo Vinci.
Du Napolitain, les mélomanes français (et d'ailleurs) ont récemment redécouvert un Artaserse haut en couleurs. C'est un autre ouvrage que la capitale toscane ressort des bibliothèques, composé sur un livret du même Métastase (1724) ayant généré une soixantaine d’opéras. À rebours de l'économie et de la retenue de l'opus de Purcell, celui de Vinci, créé le 14 janvier 1726 lors du carnaval de Rome, déploie généreusement l’entrelacs des nœuds de désirs, plus encore que le fera Berlioz : autour des amours menacées d'Enea et de la reine de Carthage, on voit les avances réitérées d’Iarba, le roi ennemi, tandis qu’Araspe, son confident, convoite Selene, la sœur de Didon qui elle aussi nourrit des sentiments pour le chef troyen.
Ce maelström constitue d'abord un prétexte à l'exhibition de virtuosité, essentiellement dans un registre héroïque, au risque d'une certaine monochromie – contre toute attente au regard de l'argument, on ne recense qu'une seule aria en mode mineur, confiée à Didon : Se vuoi ch'io mora, l'un des climax expressifs de la partition, au deuxième acte.
Pour une pièce que d'aucuns pourront juger plus extérieure que d'autres adaptations d'un des plus intenses épisodes de l'Énéide, la mise en scène de Deda Cristina Colonna, réalisée en coproduction avec le Teatro Verdi de Pise, privilégie la sobriété, sinon l'épure, s'appuyant sur la scénographie dépouillée de Gabriele Vanzini, sculptée par les lumières – et les ombres, avec la complicité de la Compagnia Altretracce – de Vincenzo Raponi, et rehaussée par l'Antiquité modernisée des costumes que dessina Monica Iacuzzo.
On ne cherchera pas à mesurer la direction musicale de Carlo Ipata (également auteur de la révision de la partition) à l'aune des référentiels auxquels les baroqueux ont accoutumé nos oreilles : sous la houlette du chef italien et dans des couleurs que complètent le théorbe de Giovanni Bellini et le clavecin d’Alessandra Artifoni, les musiciens de l'Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino s'attachent à restituer l'essentiel de la rhétorique de l'opéra, de concert avec les solistes d'un plateau vocal altérant parfois la distribution originelle des tessitures.
Roberta Mameli fait efficacement évoluer sa Didone au gré des renversements de paradigmes archétypaux, sinon stéréotypiques, de son personnage. Carlo Allemano souligne le timbre plus cuivré que délicat d'Enea, perceptible dans la vigueur des aigus. Le contre-ténor Raffaele Pé investit un Iarba vindicatif, aux côtés de la transposition d'Araspe confiée au mezzo-soprano Marta Pluda. Gabriella Costa (soprano) ne manque pas de toucher en Selene, quand Giada Frasconi (mezzo) ne néglige aucunement la traître fureur d'Osmida.
GC