Chroniques

par gérard corneloup

Die Verschworenen | Les conjurées
opéra de Franz Schubert

Théâtre de la Renaissance, Oullins
- 12 janvier 2011
Jean Lacornerie met en scène une rareté signée Schubert : Die Verschworenen
© clément chevalier

« Faites l’amour, ne faites pas de guerre », ou plutôt « pour qu’ils ne fassent plus la guerre, ne leur faites plus l’amour ». La phrase s’adresse, cela va de soi, aux épouses des guerriers de jadis. De la Grèce antique, d’abord, lorsqu’Aristophane passe le message dans Lysistrata, sa pièce présentée en l’an 411 avant notre ère. À partir d’une récente adaptation d’Aristophane réalisée par un certain Castelli, un ami de Weber et de Beethoven, qui curieusement transposa l’intrigue à l’époque des croisades, le jeune Franz Schubert osait reprendre la formule à son compte, en plein XIXe siècle.

Là-dessus, le compositeur de l’Inachevée, dont on oublie trop qu’il écrivit une quinzaine d’ouvrages lyriques, allait élaborer un petit singspiel en un acte, conçu dès 1823, et qui aura, bien entendu, des ennuis avec la sourcilleuse censure de l’époque avant que d’être finalement créé en 1861, de façon posthume. Il changea allègrement de nom au fil des ans, depuis Les Conspiratrices ou La Guerre domestique jusqu’à La Croisade des dames, en passant par Les Conjurées (Die Verschworenen oder der häusliche Krieg).

Une coproduction de plusieurs structures, comme les Solistes de Lyon-Bernard Tétu et le Théâtre de la Renaissance d’Oullins, a permis de retrouver, voire de découvrir les beautés contenues dans cette musique tour à tour pétillante, rêveuse, pudique ou, au contraire, truculente, même s’il l’on peut regretter l’absence d’un véritable orchestre, ici remplacé par le seul piano, remarquablement servi, il est vrai, par Philippe Cassard, bien plus qu’un accompagnateur mais bien plutôt un compagnon de route, un complice en scène, un meneur d’intrigue. Le tout est en phase avec la direction épisodique mais finement coordonatrice de Bernard Tétu.

L’autre grand atout réside dans la partie dramatique de l’ouvrage où les dialogues, les rivalités, les entourloupes entre les croisés et leurs épouses. Cela aurait vite pu sombrer dans la convention ; rien de tel ici, grâce à une femme et deux hommes dont le travail enfanta un processus aussi séduisant que réussi. Avec un délicieux mélange d’humour et de conviction, la comédienne Élisabeth Macocco débite les textes parlés, intervenant dans l’action entre deux des parties vocales chantées en allemand. De son côté, le metteur en scène Jean Lacornerie imagina une mise en place pleine d’humour, elle aussi, à prendre souvent au deuxième degré… mais au premier, quant à la réussite. Il est vrai que les surtitres imaginatifs et l’inventive création vidéo concoctée par Patrick Millet, le troisième compère, s’intègrent à la perfection dans cette lecture.

Si l’on ajoute que la distribution est sans faille, l’on comprendra le souhait formulé à l’époque des vœux : que cette production sillonne l’Hexagone, dans les salles grandes comme petites.

GC