Chroniques

par irma foletti

Die Zauberflöte | La flûte enchantée
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

Macerata Opera Festival / Sferisterio
- 12 août 2018
Daniel Cohen joue Die Zauberflöte... en traduction italienne !
© alfredo tabocchini

Pour qui connaît le texte original allemand de Die Zauberflöte, écrit par Emanuel Schikaneder, la version italienne basée sur la traduction du musicologue Fedele d’Amico (1912-1990), Il flauto magico, est une vraie curiosité. Mais passée la première intervention de Tamino – où « Zu Hilfe! Zu Hilfe! Sonst bin ich verloren » devient « Aiuto, aiuto, perduto son io », l’oreille et l’esprit s’adaptent rapidement au changement de langue qui réserve aussi de jolies surprises, comme Astrifiammante, le nom italien de la Reine de la Nuit.

L’intérêt du spectacle est d’abord la nouvelle production de Graham Vick, dont le spectateur découvre la scénographie de Stuart Nunn en entrant dans le Sferisterio. Des clôtures de chantier délimitent un espace, au fond, contenant trois édifices : à gauche un groupe de tours qui évoque la Banque Centrale Européenne à Francfort (avec un € géant trônant au sommet), à droite une réduction de la basilique Saint-Pierre de Rome et, au centre, une façade avec une pomme, le logo de la célèbre multinationale de produits informatiques créée, entre autres, par Steve Jobs. Des deux côtés du plateau sont plantées des tentes au milieu de voitures, et une centaine de figurants, des citoyens du monde, sont associés à la réalisation. Ceux-ci manifestent pendant l’Ouverture, brandissant des panneaux comme La liberté ne s’achète pas ou Ne nous volez pas le futur. Portée par des hommes d’origine africaine, la banderole Nous sommes tous des étrangers du Monde prend aux tripes en faisant écho à la sombre actualité récente : la fusillade raciste, ici-même à Macerata, en février dernier, en pleine campagne électorale, qui avait fait six blessés, originaires du Mali, du Ghana et du Nigeria. Les interventions de ces comparses, qui interpellent les solistes, sont parfois bienvenues, mais d’autres fois un brin trop longues.

Papageno vend des poulets chez Super Pollo, tandis que Papagena passe le plus clair de son temps dans une poubelle. On découvre, chez Sarastro, un aréopage d’hommes d’affaires, de représentants de diverses religions et des geeks branchés, constamment concentrés sur leur smartphone. Derrière les façades retournées se révèlent des missiles, un arbre mort au centre et une Madone bâillonnée. Pour conclure la soirée, ces édifices s’écroulent comme un château de cartes, tandis qu’un petit feu d’artifice est tiré du haut du mur.

Si la direction musicale de Daniel Cohen est de belle qualité, précise, dynamique, donnant de grandes respirations à certaines mesures [lire notre chronique du 15 janvier 2017], il n’en va pas exactement de même pour la distribution vocale. Le meilleur élément semble le Tamino de Giovanni Sala, ténor d’une certaine épaisseur amenant diverses nuances dans son chant [lire notre chronique de Stiffelio], tandis que Guido Loconsolo (Papageno) est meilleur acteur que chanteur. Antonio Di Matteo (Sarastro) déploie une noble voix de basse mais voilée, ce qui réduit sa projection, tandis que Manuel Pierattelli est un Monostatos bien en place.

Côté féminin, Valentina Mastrangelo ne possède pas précisément le charme vocal d’une Pamina, sauf pour quelques aigus émis dans la nuance piano. La Reine de la Nuit de Tetiana Zhuravel chante ses notes stratosphériques dans un volume très ténu. Les trois Dames sont simplement correctes, tandis que les trois garçons (dont deux filles) ne forment pas un ensemble harmonieux. Il est à noter que le spectacle sera repris en décembre avec une équipe vocale totalement différente, au Palau de Les Arts Reina Sofia de Valence, coproducteur – cette fois en version originale allemande.

IF