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Chroniques
Die Zauberflöte | La flûte enchantée
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart
L’accord parfait de mi bémol majeur, et encore une fois, plus étincelant, et puis une autre... Tiens donc ! Le couvercle est soulevé par François-Xavier Roth, pour la première fois de ce chef pourtant très expérimenté, alors entrons, avec les Siècles et leurs instruments historiquement renseignés, dans la célèbre Zauberflöte telle que créée à l’automne 1791, à travers les ultimes barres de mesure de l’enchanteur de l’opéra – ou plutôt comme hors du temps, puisque tant de grâce, finesse, charme et tonus dépasse largement la dose prescrite, sur la terre comme au ciel.
Offerte par un orchestre au service du plateau et soucieux des géniales variations tramées en contrepoint, l’orgie musicale est garantie, complétée par une sacrée mise en scène. Le cinéaste Cédric Klapisch se lance à l’opéra par cette immense porte, avec bonne humeur et candeur, à l’image de Tamino filant avec sa longue cape rouge entre quelques grands arbres couverts de tissu. Au jeune prince, moins héros que sincère apprenti en cours d’initiation, le ténor Cyrille Dubois apporte une nouvelle fois des accents chauds, avec une aisance et une sincérité vitales propres au personnage. L’air au portrait est exemplaire, à travers un simple cadre, malin, à la vive lumière dorée, tel un miroir Bollywood, selon l’excellent travail d’Alexis Kavyrchine, éclairant vraiment toute l’histoire. Y apparaît la Pamina toute superlative de Regula Mühlemann. Mozartienne confirmée, la cantatrice suisse soigne tous les maux avec allant, générosité (en particulier au duo avec Papageno), franchise émue (devant son juge Sarastro) et enfin les beaux contours d’un chant angélique (quand, au tournant du second acte, son cœur est rudement mis à l’épreuve).
De fait, le charme contagieux de la Flûte s’accorde pleinement, ce soir, avec le féminin, dès la merveilleuse confusion des registres et des timbres des Trois Dames. Le public s’en trouve vite cajolé et accueillera toujours avec une vraie attirance lyrique, à chacune de leurs apparitions, les estimables Judith van Wanroij, Isabelle Druet et Marion Lebègue, à longues queues de cheval noires, les coiffes fantasmatiques palliant, comme thème festif de la soirée, au manque d’élégance de costumes clinquants. En outre, la Reine de la Nuit d’Aleksandra Olczyk se montre captivante de langueur dans les supplications et de vocalises impeccables dans les exhortations. Plus légèrement, dans un joli vent de fraîcheur, Papagena apparaît fondante grâce au soprano Catherine Trottmann.
Côté masculin, admirable sur toute la ligne, la basse Jean Teitgen offre un Sarastro noble et tranchant, bien que campé avec raideur dans le décor minimaliste de Clémence Bezat sans les fortes influences pressenties. Le duo des Prêtres, par la basse Ugo Rabec et le ténor Blaise Rantoanina, est l’une des belles surprises que réserve le testament mozartien, plaisant sous tant d’aspects différents. À chaque écoute, une certaine facette se révèle au goût ou à l’humeur de l’auditeur singulier. Auparavant, d’une émission fière et directe, Ugo Rabec présente la plénitude de son instrument dans un échange fort bien élancé et théâtral avec Tamino. Et si Marc Mauillon assure l’air de Monostatos d’un chant piquant et sensuel, et si Florent Karrer fait de Papageno un drôle d’oiseleur au roucoulement distinctif, ces deux rôles de baryton plus ou moins sauvages, voire vilains, paraissent balourds selon le texte français, préféré à l’original allemand, beaucoup plus édifiant et subtil.
La magie troublante peut venir à manquer, mais il y a remède à tout dans la splendeur des ensembles – magnifique trio des Hommes d’armes et Tamino avançant à contre-jour sur une musique de prière –, mais aussi dans les fabuleux souffles de vie, si émouvants, du Chœur Unikanti et même dans les prouesses pleines d’avenir des élèves de la Maîtrise des Hauts-de-Seine.
FC