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Doctor Atomic | Docteur Atomique
opéra de John Adams
Grosse attente et, finalement, déception pour ce nouvel opus lyrique de John Adams donné en première européenne dans le cadre du Holland Festival. Créé à San Francisco à l'automne 2005, cet opéra voyait le retour du bouillant Américain aux formes lyriques classiques. En effet, après ses grands succès Nixon in China (1985-1987) et The Death of Klinghoffer (1990-1991), le compositeur avait exploré des voies parallèles avec la comédie musicale décaléeI was looking at the ceiling and then I saw the sky (1995) [lire notre critique du CD], en hommage aux minorités, puis avec l'oratorio scénique néo-händélien El Nino (1999-2000) [lire notre chronique du 12 septembre 2005].
Fruit d'une collaboration avec son vieux compère Peter Sellars pour le texte, Doctor Atomic nous plonge au cœur du centre de recherche de Los Alamos où le savant Oppenheimer est en train de mettre au point et d'attendre l'explosion de la première bombe atomique. En deux longs actes (la pièce dure tout de même trois heures), le livret navigue entre narration des événements et exploration psychologique des personnages. D'un immense raffinement, la musique alterne comme rarement sensualité et tension, tout en démontrant une science imbattable de l'orchestration qui fait la marque de fabrique du créateur, le mélange des son concrets et réel étant une grande réussite. Pourtant, on s'ennuie trop souvent dans cet opéra sans véritable action et sans nerf dramatique. On attend en vain un nœud dans l'action, un paroxysme ou des climax, mais rien ne vient, la dramaturgie débite son flot de mots sans parvenir à coller le spectateur au fauteuil.
Metteur en scène attitré des premières de son ami Adams, Peter Sellars se prend les pieds dans le tapis de son vocabulaire scénique. L'action est bien sur placée en 1945, mais il se dégage un certain kitsch des décors d'Adrianne Lobel et des costumes de Dunya Ramicova. Dans ce cadre, Sellars nous plaque ses éternelles incantations gestuelles qui le suivent depuis sa fameuse production de Teodora de Händel à Glyndebourne, mais globalement l'action reste soit statique, soit brouillonne, et l'on regrette la présence perturbante d'un groupe de danseurs dont les chorégraphies trop classiques nous laissent perplexe par rapport à leur apport à la mise en scène. Cela étant, la grande force de Peter Sellars est d'imposer une véritable tension à ses chanteurs qui sont viscéralement engagés dans leurs rôles.
Musicalement, le plateau est très bon. Grand chanteur actuel et créateur du rôle-titre, le Canadien Gerald Finley est absolument magnifique d'engagement et de beauté vocale. On sera un peu plus réservé sur Jessica Rivera (Kitty Oppenheimer), bonne musicienne mais au timbre dur. Belle prestations des autres chanteurs : Eric Owens (General Leslie Groves), Richard Paul Fink (Edward Teller), James Maddalena (Robert Wilson), Thomas Glenn (Captain James Nolan) et Ellen Rabiner (Pasqualita). Le Koor van De Nederlandse Opera fait bonne impression. Le jeune chef néerlandais Lawrence Renes est l'artisan principal de la réussite musi-cale. En orfèvre, il cisèle ce diamant brut tout en tirant des sortilèges d'un Nederlands Philharmonisch Orkest encore en très grande forme.
Avec sa musique envoûtante, mais son livret bancal, Doctor Atomic n'est hélas pas le chef d'œuvre de John Adams. Une réduction de la durée de l'œuvre et une production plus adéquate pourraient rendre un grand intérêt à sa pièce qui vaut juste par sa musique.
PJT