Chroniques

par jérémie szpirglas

Don Giovanni | Don Juan
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

Théâtre de Saint Quentin en Yvelines
- 26 janvier 2009
© dom|artcomart

C’est toujours un plaisir d’entendre David Stern diriger son orchestre Opera Fuoco. Partisan des instruments anciens – sans pour autant faire de prosélytisme –, David Stern est, comme l’indique sans ambigüité le nom de son ensemble, une baguette ardente. Comme quelques autres chefs de sa génération, issus de la deuxième et de la troisième génération des baroqueux, il privilégie des tempi rapides et des contrastes dynamiques marqués, aussi bien dans les répertoires baroques que dans l’opéra mozartien. Cependant, à rebours de ses collègues, il n’exagère aucunement son jeu et ses nuances. C’est bien connu : pour bien brûler, le feu ne doit pas être étouffé et doit pouvoir respirer… David Stern conçoit donc sa battue à partir d’une carrure la plus large possible, construit ses phrasés par groupe de mesures, et fait ainsi planer son orchestre avec une grâce aérienne admirable. Mis à part quelques ratés et décalages – risques inhérents à ce type de battue, surtout lorsque les chanteurs sont loin de lui sur la scène –, le résultat est bien souvent jouissif.

Jouissif : c’est d’ailleurs précisément le mot qui décrit au mieux la dernière production de Don Giovanni à laquelle participent David Stern et sa troupe. Si la mise en scène de Yoshi Oïda (trop souvent vulgaire et premier degré pour cacher une quelconque ironie) laisse dubitatif, musicalement, on approche de la perfection. La distribution est un sans faute ou presque. Réunis depuis près de deux ans au sein de la troupe-atelier d’Opera Fuoco – initiative de Stern pour mettre le pied à l’étrier à quelques jeunes triés sur le volet –, les chanteurs forment un groupe harmonieux et équilibré qui fonctionne comme une horloge suisse et nous offre un Mozart pétillant et enchanteur. Le terme prise de rôle a rarement été aussi bien illustré qu’avec cette fine équipe. On pourrait presque dire que la troupe prend l’ouvrage !

On appréciera bien sûr grandement le Don Giovanni voyou du canadien Marc Callahan et le sémillant Leporello de Marc Labonnette. Le ténor Arthur Espiritu campe quant à lui un Don Ottavio parfait dans sa niaiserie un peu mesquine et son amour transi. Et que dire des femmes ! Caroline Meng est une Zerlina à la sensualité exquise et à la naïveté désarmante. Et si Chantal Santon peut occasionnellement décevoir – on l’a connue bien meilleure qu’en cette soirée de première –, on ne pourra manquer de tomber sous le charme de la belle Sara Hershkowitz. Bouleversante, elle interprète Donna Anna avec une finesse psychologique rare et sublime le personnage. Finis les pleurs et les geignements ! Oubliée, la petite fille capricieuse, voire boudeuse ! Sara Hershkowitz rend à Donna Anna la noblesse et la dignité qui exsudent de la partition de Mozart. Femme bafouée et orpheline en une nuit, elle prend résolument sa vie en main. À elle seule, la jeune soprano américaine justifie le déplacement…

JS