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Chroniques
Don Juan
spectacle d’après Wolfgang Amadeus Mozart
Dans le cadre agreste, aqueux, rocheux et retiré du pittoresque village de l’Ardèche du sud et de ses imposantes falaises, il n’est point possible à Philippe Piroux, l’actif et polyvalent directeur de ce festival, de monter un opéra avec orchestre, décors, chœurs et chanteurs. En compagnie de son équipe de bénévoles, il aime à se « rattraper » en accueillant dans son Théâtre de verdure des adaptations réalisées, montées et jouées par Jean-Pierre Arnaud et son ensemble Carpe Diem. Après le succès de La flûte enchantée, le présent été est consacré à un autre opéra mozartien, Don Giovanni, devenu pour l’occasion Don Juan.
L’art de la « concentration artistique » est aussi osé à concevoir que délicat à réaliser… et à mener à bien. Du côté de la transcription et des coupures réalisées par Jean-Pierre Arnaud, l’esprit des œuvres initiales, à savoir Tirso de Molina via le moule de Molière comme celui de la partition de Mozart, est adroitement façonné, conjugué et finalement habilement conservé. Une composante musicale nouvelle, sous forme d’un ajout au finale du premier acte, écrit par le compositeur Laurent Martin qui habilement puisa dans le panthéon musical andalous, ne dépareille pas l’ensemble. De même, le travail scénique imaginé et réalisé par le jeune metteur en scène Michael Maino – l’action est située dans une Espagne sans date, mais avec ses traditions, ses tréteaux et ses machos – est brillamment mené.
D’où vient, alors, ce sentiment de rester sur sa faim ? Ramener un tel ouvrage, aussi sublime, aussi célèbre, aussi connu, à quatre chanteurs et un comédien, sans chœur aucun, et à huit instruments, place très haut une barre extrêmement fragile, quasiment en apesanteur. Trouver une jeune cantatrice qui soit vocalement et scéniquement à son aise dans des rôles aussi différents que ceux d’Elvira, d’Anna et de Zerlina est une gageure presque impossible à tenir. Confier les rôles de Mazetto et du Commandeur à la même basse pose des problèmes identiques.
Musicalement, les divers instrumentistes jouent trop souvent à découvert pour que la moindre faille ne prenne des proportions d’une envergure inouïe, cor en tête, flûte dans la foulée. Pour tous, chanteurs et musiciens, il aurait fallu (au moins) une importante série de travail en commun, de répétitions, de mises au point, sous la baguette d’un véritable chef lyrique, pour que parties vocale et instrumentale rendent parfaitement justice à la composante scénique. À Labeaume, ce n’est pas le cas. Dommage.
GC