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Chroniques
Don Pasquale
opéra de Gaetano Donizetti
Il est certains soirs où le mélomane, affranchi de toute exigence intellectuelle, se trouve heureux d’être assis passivement devant la scène. C’est la gratification que le Don Pasquale présenté par l’Opéra de Tours offre ce soir. L’ouvrage de Donizetti, dans la veine comique de L’elisir d’amore, et dont la filiation avec les opere buffe de Rossini ne fait pas de doute, concentre l’action théâtrale et vocale autour de quatre personnages : le barbon Don Pasquale, voix de basse, le baryton ami, le docteur Malatesta, Ernesto le ténor amoureux et neveu du barbon, et la jeune femme pleine de ruse, Norina, soprano. On ne s’attardera pas sur le notaire, neveu de Malatesta, réduit à la figuration. Le compositeur a donc resserré les conventions du genre autour de ces archétypes.
L’ayant compris, Sandro Pasqualetto livre un spectacle bien ficelé qui met en avant le jeu des interprètes. Donato di Stefano incarne le rôle-titre avec gouaille. Les accents un peu rustauds du personnage ne mettent pas la jovialité de l’émission en danger ni la solidité de la ligne ; on n’en goûte que davantage les mimiques funèsques qui trahissent sa bêtise et scellent son destin. Pour sa prise de rôle en docteur Malatesta, Jean-Sébastien Bou reçoit des applaudissements mérités. La rouerie et la duplicité de l’ami donne toute sa saveur à la voix bien caractérisée du chanteur français. Domenico Menini a le timbre clair qui convient au jouvenceau, mais la tenue de son Ernesto n’est pas toujours irréprochable et la technique sonne parfois un peu léger. Daniela Bruera campe une Norina vive et toute de canaille insolence. Le soprano sarde a les couleurs acidulées de la jeunesse. La souplesse fait cependant parfois défaut à cet instrument un peu corseté.
Le travail du régisseur s’appuie sur les décors et les costumes de Valentina Bressan, la directrice des services techniques de la maison. La scène apparaît comme un livre ouvert avec, sur la page de gauche, un mur blanc de fenêtres de toutes variétés (de l’œil-de-bœuf à la porte-fenêtre) et, sur celle de droite, deux porches noirs aux frises dorées, le tout dessiné selon une illusion perspectiviste. Ragots et curiosité de la vicinalité sont suggérés avec humour dans cette évocation d’une place de village telle la cinématographie italienne des années cinquante et soixante en imagina les stéréotypes. Au deuxième acte, une partie du mur de fenêtres est ouvert et rabattu sur le panneau de droite, laissant découvrir des portraits de la vieille école que Norina n’aura pas manqué de renouveler à l’acte suivant en substituant à cette grisaille la fantaisie de reproductions de Warhol et autres témoignages du pop art. Le décor se replie pour la scène finale : le barbon est vaincu et la farce terminée. Les lumières de Marc Delamézière, tour à tour tendres et impitoyables, rehaussent efficacement l’ensemble.
L’Orchestre Symphonique Région Centre Tours n’épargne pas les attaques giflées ou hasardeuses (l’acoustique sèche de la salle ne pardonne pas), mais la direction bonhomme du directeur musical de la formation, Jean-Yves Ossonce, soutenant le plateau vocal, distrait aimablement de ces approximations.
GC