Chroniques

par irma foletti

Don Pasquale
opéra de Gaetano Donizetti

Festival Donizetti Opera / Teatro Donizetti, Bergame
- 17 novembre 2024
Don Pasquale, opéra de Gaetano Donizetti, au Teatro Donizetti (Bergame)
© gianfranco rota

Complétant la tragédie lyrique Roberto Devereux et le mélodrame héroïque Zoraida di Granata, le troisième titre de l’édition 2024 du Festival Donizetti Opera appartient à la veine buffa du compositeur bergamasque. Il s’agit de Don Pasquale, proposé en reprise de la mise en scène d’Amélie Niermeyer, créée initialement à l’Opéra de Dijon au printemps 2022. Le spectacle vise clairement à faire sourire le public, quitte à verser par moments dans la répétition, voire la trivialité en de rares touches. La répétition se ressent surtout à la vue du plateau tournant, dont la giration très régulière donne rapidement une impression de déjà-vu des lieux, sans modifications notables des décors. La scénographie de Maria-Alice Bahra, également chargée des costumes, se concentre autour de la demeure de Don Pasquale, riche villa où les personnages se rassemblent sur la terrasse en extérieur, avant de nous montrer le coin poubelles et une allée sur le côté de la propriété. Le bar est généreusement approvisionné, le canapé large et confortable et pas un brin d’herbe ne dépasse dans ce petit jardin parfaitement entretenu par un personnel aux ordres. Lunettes de soleil, chaînes et gourmettes en or, nombreuses bagues, Don Pasquale affiche fièrement sa richesse – et son mauvais goût ! – tout comme son neveu Ernesto, arborant le même look.

Norina ne dispose pas des mêmes moyens matériels, arrivant dans l’allée de la villa dans une vieille Renault 5 fumante. Elle habite visiblement dans le véhicule et prépare son café en branchant la bouilloire sur la batterie de la voiture. Malatesta la présente comme sa sœur, en fait une bonne sœur plutôt sexy dont le bas de la robe arrive au-dessus des genoux. Une fois marié à Don Pasquale, le personnage de Norina se lâche dans la trivialité et en fait voir de toutes les couleurs à son nouvel époux. D’autres passages se révèlent plus poétiques, comme le trompettiste solo qui accompagne l’air mélancolique d’Ernesto, Cercherò lontana terra, à côté des poubelles. Le musicien fait la manche et Ernesto, désespéré, lui offre ses vêtements sortis des valises.

Après trente ans de carrière, le baryton Roberto de Candia maîtrise l’art, à la fois vocal et théâtral, des rôles bouffes, rossiniens et donizettiens en particulier. Sans en faire trop, son Don Pasquale possède une juste vis comica et nous fait sourire de bon cœur. Le duo Cheti, cheti avec Malatesta est une occasion de briller dans le chant sillabato à très grande vitesse. En Malatesta, Dario Sogos, issu de l’académie de chant Bottega Donizetti, fait entendre un baryton de moindre ampleur, rapidement limité dans le grave, ainsi qu’en volume sonore, même s’il faut lui reconnaître des qualités de souplesse vocale. Quant au ténor Javier Camarena en Ernesto, il ne chante pas dans sa meilleure forme, produisant d’infimes impuretés involontaires induisant un inconfort gênant pour l’intonation, souvent imparfaite. Le chant ne sonne pas avec une justesse impeccable pour sa sérénade du troisième acte, Com'è gentil, le duo qui suit avec Norina,Tornami a dir che m'ami, étant plus réussi, quitte à passer plusieurs fois en voix de tête pour le ténor mexicain.

Du côté féminin, la Norina de la jeune Giulia Mazzola, soprano ayant également fréquenté la Bottega Donizetti, est une belle révélation. Dotée d’une juste musicalité, la voix possède un timbre agréable et est suffisamment puissante pour s’imposer dans les ensembles, dotée également d’une technique aguerrie pour les passages d’agilité. Son air d’entrée, So anch' io la virtù magica, dévoile toutes ces qualités, entre notes piquées avec précision et trilles, la chanteuse paraissant cependant un peu à court de souffle par instants, une impression qui disparaît par la suite. C’est aussi elle qui a le dernier mot dans cet opéra, son rondo final La moral di tutto questo lui permettant d’offrir de petites variations inspirées lors de la dernière reprise.

Les solistes ont en tout cas bien du mérite à affronter le niveau musical très, et souvent trop, puissant délivré par le chef Iván López Reynoso [lire notre chronique de La porta della legge]. Passées les premières mesures fracassantes de l’Ouverture, le cor déroule son solo avec maîtrise, qualité commune aux musiciens de l’Orchestra Donizetti Opera. Mais c’est le dosage des décibels qui reste un problème, rendant difficile la tâche des chanteurs sur le plateau, ceci étant moins vrai pour les enthousiastes choristes de l’Accademia Teatro alla Scala. On en apprécie d’autant les séquences composées pour de rares instruments, comme la trompette déjà évoquée, ou encore les deux guitares et le tambourin qui accompagnent le doux Com'è gentil d’Ernesto.

IF