Chroniques

par pierre-jean tribot

El Niño
oratorio de John Adams

KlaraFestival / Palais des Beaux-arts, Bruxelles
- 12 septembre 2005
El Niño, oratorio de John Adams, accompagné d'un film de Peter Sellars
© bettina flitner

L'édition 2005 du KlaraFestival de Bruxelles propose un panorama des compositeurs minimalistes. Le festival nous offre ainsi, en création belge, l'oratorio El Niño de John Adams. Composée en 2000, cette vaste partition pour orchestre, chœur, soprano, mezzo-soprano, baryton et contreténors s'envisage comme une méditation sur la naissance du Christ. D'une structure dramatique qui suit en partie le déroulement de la nativité, cette réalisation puise son inspiration dans les récits bibliques mais aussi dans des poésies latino-américaines. La distribution des rôles évite tout statisme : les trois contreténors chantent autant l'ange Gabriel que les rois mages tandis que soprano et mezzo-soprano se partagent le rôle de Marie. La partition possède des échos sociaux : la critique de la société américaine est toujours présente en arrière plan des événements.

El Niño est aussi caractéristique des changements dans l'esthétique du compositeur qui évolue vers une musique sensuelle et compréhensible de tous. L'enregistrement de la création de l'œuvre, sous la direction de Kent Nagano (Nonesuch), apparaissait plutôt convaincant par une approche qui situait la partition quelque part entre Léonard Bernstein et l'esprit de Broadway. Malheureusement, la version donnée au Palais des Beaux-arts de Bruxelles apporte de nombreuses désillusions.

La cheffe d'orchestre Sian Edwards, une fidèle de John Adams, insuffle la tension nécessaire, mais elle pèche par des excès de sécheresse qui rendent l'œuvre trop uniforme et donc trop monotone. La distribution vocale est amèrement hétérogène. Le baryton David Wilson-Johnson domine aisément ses condisciples par sa technique, son timbre et la clarté de son chant. Le mezzo Sara Filgiono peine dans ses nombreuses interventions. Si la technique est plutôt sure, le timbre dur et métallique s'avère désagréable pour l'oreille, tout comme la raideur du chant, inopportune dans une telle œuvre. La soprano Susan Narucki se tire honorablement de sa partie, mais elle souffre d'un flagrant manque de charisme.

Les trois contreténors Daniel Bubeck, Steven Rickards et Joseph Schlensinger remplissent convenablement leurs tâches. L'Orchestre Philharmonique royal des Flandres, rebaptisé De Filharmonie, et le Chœur de la Radio flamande livrent une bonne prestation. Malheureusement, le KlaraFestival a souhaité offrir au public, en simultané, le film de Peter Sellars présenté lors de la création. Le metteur en scène américain est un virtuose des gestes, mais on reste de bois devant tant de naïveté. Les protagonistes de l'histoire deviennent des américains moyens et aucune image facile de nous est épargnée : une Marie aux piercings imposants, une fuite à Bethléem au volant d'une berline japonaise et une nativité en fin de piste d'aéroport.

PJT