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Chroniques
Elena Bashkirova and Friends
Concert de musique de chambre dense, grave, émouvant, ce samedi, dans le cadre du cycle Utopies et autour du Festival de Musique de Chambre de Jérusalem et de sa directrice, Elena Bashkirova, épouse de Daniel Barenboïm. Concert que la pianiste d’origine moscovite a partagé avec quelques-uns de ses proches amis dans des pages remarquablement choisies de Johannes Brahms, Hugo Wolf, Anton Webern et Alban Berg.
Ouvert par l’hyper-lyrique Langsamer Satz (Mouvement lent) pour quatuor à cordes de Webern (1905) aux élans mahlériens, joué avec retenue par les Israéliens Guy Braunstein et Michael Barenboïm (violons), le Français Gérard Caussé (alto) et l'Etasunien Gary Hoffman (violoncelle), la soirée se poursuivait avec le Trio avec piano en ut mineur Op.101 n°3 de Brahms (1886) dont les premières mesures ont été affectées par de gênants décalages avant de trouver l’équilibre et de se poursuivre dans la tendresse et le mystère partagés.
Le cycle Frauenliebe und Leben Op.42 de Schumann, que devait chanter le mezzo-soprano germano-grecque Stella Doufexis, souffrante, a été remplacé par les Vier ernste Gesänge Op.121 (Quatre Chants sérieux, 1896), chant du cygne de Brahms qui, s’appuyant sur sa propre synthèse de textes extraits de la Bible dans la traduction de Luther, principalement tirés de l’Ecclésiaste, y affirme son sentiment sur la mort avec une grandeur humble, une humanité bouleversante magnifiées par la voix profonde et intensément colorée du baryton allemand Roman Trekel pour un remarquable dialogue intime avec Bashkirova, dont le toucher au nuancier inouï suscite des pianississimi surnaturels. Le même duo a offert une lecture tout aussi bouleversante et ressentie des Drei Gedichte von Michelangelo (Trois Poèmes de Michel-Ange) qu’Hugo Wolf composa l’année de la mort de Brahms.
Ce splendide recueil était précédé de l’Adagio du Kammerkonzert composé en 1924-1925 par Alban Berg, construit en forme de palindrome (la seconde partie étant le rétrograde de la première), ici donné dans la transcription de 1935 pour violon, piano et clarinette, finement joué par un excellent Michael Barenboïm, jeune musicien de vingt-cinq ans (qui ressemble à son père au même âge), fils d’Elena Bashkirova, et Paul Meyer à la clarinette. La pianiste s’est ensuite discrètement assise pour écouter l’ultime page du programme, le sublime Quintette pour clarinette et cordes en si mineur Op.115 (1891) de Brahms, poétiquement interprété par Paul Meyer, Guy Breaunstein, Michael Barenboïm, Gérard Caussé et Gary Hoffman, jouant ces pages extraordinairement rêveuses avec une communauté de pensée impressionnante.
BS