Chroniques

par bertrand bolognesi

...en créations…
Delphine Constantin et Constance Luzzati en récital

Journées de la harpe, Arles
- 29 octobre 2006
aux Journées de la harpe (Arles) : Delphine Constantin et Constance Luzzati
© johann delacour

Ce dimanche, le concert Jeunes Talents de midi en la Chapelle de la Charité partage son temps entre deux artistes. Tout d’abord Delphine Constantin, née à Paris il y a vingt-trois ans, et tout dernièrement diplômée par la Hochschule für Musik de Zürich (classe de Catherine Michel). Son petit récital commence par deux pages de compositeurs belges aujourd’hui peu joués : le virtuose (à l’époque célèbre) namurois François-Joseph Dizi (1780-1847) qui contribua auprès d’Érard à l’évolution de l’instrument, et dont nous entendons la Grande Sonate, et le gantois Jean-Baptiste Lœillet (1680-1730) dont est jouée la Toccata. Plus intéressante, indéniablement, la Suite Op.83 écrite en 1969 par Britten, une œuvre dans laquelle Delphine Constantin peut affirmer une couleur moins conventionnelle, dès l’Ouverture. Elle accorde un certain relief à la Toccata, sorte de danse obstinée, avant d’entonner l’étrange mélopée un rien orientale du Nocturne. Les arabesques debussystes de la Fugue s’achevent en un Hymn manquant malgré tout de corps.

C’est ensuite Constance Luzzati qui gagne le chœur de la chapelle. À vingt-cinq ans, elle a déjà été saluée par de nombreux prix. La voici s’engageant dans une pièce de Frescobaldi dont elle éclaire somptueusement la mélodie, livrant une interprétation passionnante et sensible, toute en clairs-obscurs, qui nous fera dire que la jeune femme sait regarder la musique ailleurs que dans la seule musique. Outre qu’on apprécie l’élégance de l’articulation, l’expressivité évidente et la grande présence de cette artiste, elle partage avec le public un plaisir cordial à jouir de certaines résolutions modales, de sorte que d’emblée l’on comprend avoir affaire à une riche personnalité musicale. Sa maîtrise absolue de la couleur dans les différences d’attaques sur lesquelles joue Tocar de Bruno Mantovani [lire notre entretien de septembre 2006], donné par cœur, accueille Constance Luzzati dans la famille de ces interprètes qui, tout en servant fidèlement la partition, savent s’en emparer.

Suit une transcription de la Partita en si bémol majeur BWV 825 de Bach, avec un Prélude concentré et rigoureux, une Allemande gracieuse, une Sarabande altière, une fluide Courante exquisément cotonneuse, et ainsi de suite, partant qu’on ne trouvera jamais absurde de jouer sur une harpe ce qui est écrit pour clavecin, sorte de grand théorbe mécanisé et mis en caisse (c’est une transcription des moins antagonistes qui soient). Enfin, en 1992 Elliott Carter dédiait à Ursula Holliger Bariolage, opus inspiré par la virtuosité du jeu de Salzedo ; nous en goûtons une lecture contrastée rendant parfaitement compte du geste cartérien, à la fois très impulsif et méticuleusement construit.

Après un bref passage au Musée de l’Arles et de la Provence Antiques, où Didier Lockwood file ses mélodies rythmées au beau milieu des statues et où la violoniste Maud Lewett illustre d’un son généreux et envoûtant l’exposition Ingres et l’antique, ce dimanche se conclut en compagnie des Bons becs (quatre clarinettistes et un percussionniste) et de leur spectacle Tempête sur les anches où l’on est heureux d’apprendre qu’une clarinette fait fort bien la mouette…

BB