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Chroniques
Ensemble Opera Quarta
Bonporti, Corelli, Legrenzi, Locatelli, Lonati, Stradella et Vitali
Les Archives Nationales reçoivent l’ensemble Opera Quarta, formé par quatre élèves du Conservatoire Royal de La Haye, réputé pour sa spécialisation dans l’étude de la pratique de la musique baroque. Après les programmes plutôt romantiques auxquels nous avons assisté la semaine dernière [lire nos chroniques des 22 et 25 juillet 2003], c’est une soirée italienne que propose le Festival Jeunes Talents, présentant l’avantage de faire entendre des auteurs recherchés, sinon rares.
Elle est ouverte par une Sonate de Corelli dont le premier mouvement est donné de façon soignée et irréprochable, mais sans grand esprit, avouons-le. Avec le Vivace, les choses deviennent nettement plus intéressantes. L’on y goûte la grande précision du violoncelle d’Emily Robinson et le bel équilibre entre les quatre instrumentistes, le clavecin se voulant plutôt discret. Suit La Stanvitale de Giovanni Battista Vitali, un compositeur moins connu ayant fait une brillante carrière à Modène au milieu du XVIIe siècle, et dont l’œuvre put être influencée par le style français, notamment le travail de Lully. C’est l’occasion, pour Yoshi Kazama, de réveiller un peu son clavecin, et pour Opera Quarta de faire preuve d’un goût excellent.
Écoutons ensuite l’œuvre d’un des protégés de la Reine Christine de Suède (alors en exil à Rome), Alessandro Stradella, bien connu des amateurs de cantates et d’ouvrages lyriques en général, et dont la vie aventureuse défia la chronique de son temps jusqu’à ce qu’on le poignarde à mort, après un premier assassinat manqué en 1682. Stradella a écrit une musique riche, souvent contrastée, qui cristallise des formes alors en devenir. Ainsi cette Sinfonia ici jouée, une sorte de sonate, en fait, s’inscrivant aux côtés de quelques deux cent cantates, de six oratorios et d’opéras comme Il Barcheggio ou encore Il Trespolo tutore.
Brillamment commencée, l’exécution accuse cependant dès l’Adagio de sérieux problèmes d’accords, surtout au premier violon. Il fait très chaud, ce lundi, en l’Hôtel de Soubise, si bien qu’il serait impensable d’accueillir le public fenêtres fermées ; mais les perpétuels courants d’air passant juste dans l’axe de la scène malmènent impitoyablement le diapason. Notons que la modulation de ce mouvement se révèle subtilement soulignée et que le suivant bénéficie d’un éventail de nuances fort expressif.
Opera Quarta sert comme il se doit la partition d’un homme dont la fantaisie mit un peu de théâtre en chaque note. Directeur de la Chapelle de Christine de Suède à Rome, ami et collaborateur (en tant que librettiste) de Stradella, le milanais Carlo Ambrogio Lonati possédait une inventivité formelle délicieuse, comme en témoigne la Sinfonia en sol mineur avec sa forme parfaitement inversée, assez déroutante. Le violoncelle s’y montre mordant et la sonorité générale moins opulente peut-être que celle de la pièce précédente. Plus austère, l’écriture du philosophe et théologien Francesco Bonporti, appartenant à la génération suivante, est servie avec majesté, entre autre pour sa Sarabande, par les jeunes gens qui ont choisi d’interpréter unesonate. Bravo à Tuomo Suni (deuxième violon) qui y entretient une égalité de vibration assez rare.
La seconde partie s’organise comme un survol du siècle avec, pour commencer, une sonate de Giovanni Legrenzi, grand polyphoniste très réputé à Venise pour ses œuvres religieuses. L’on est surpris par les changements de climats brutaux et incessants de cette pièce, sans doute difficile à jouer. Il semblerait que le compositeur se soit adonné à une gymnastique des affects que les instrumentistes doivent assimiler tant bien que mal. Ceux d’aujourd’hui lui rendent un bel hommage. La Sonate n°9 de Corelli connaît la faveur d’un son clair, on pourrait dire lumineux, même, avec une fin de troisième mouvement étirée dans un pianississimo d’une exquise délicatesse.
Opera Quarta prend congé avec une pièce d’un élève de Corelli, invitant à écouter le siècle suivant. Préoccupé par des questions de virtuosité pure, au risque d’appauvrir la démarche spirituelle de l’acte artistiquePietro Locatelli se démarque fortement de l’enseignement du maître. La lecture ici entendue demeure assez scolaire.
BB