Chroniques

par bertrand bolognesi

ensembles Nash et Amarillis
musique anglaise, du XXe au XVIIe siècle

The Midsummer Festival / Château d’Hardelot 18 juin 2011
- 17 et 19 juin 2011
le Château d'Hardelot par Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi

En un temps record, ce jeune festival est déjà parvenu à s’imposer dans le paysage musical hexagonal. Il faut dire qu’il ose sortir des sentiers battus, ce qui, à l’encontre de ce que de nombreux décideurs continuent de croire, est un atout majeur en un temps où de maints festivals s’obstinent à faire entendre, d’année en année, les mêmes pages, les mêmes compositeurs, voire par les mêmes interprètes. Le mérite en revient à Sébastien Mahieuxe, le jeune directeur artistique du Midsummer Festival, et aussi du Centre culturel de l’Entente cordiale (sis au Château d’Hardelot) qui ne limite certes pas ses activités à la programmation de cette grande fête estivale – plus précisément à la jonction des deux saisons, puisqu’elle s’ouvre le 10 juin pour se conclure le 26.

Comme l’an dernier, cette deuxième édition du Midsummer Festival conjugue théâtre et musique [lire notre chronique du 13 juin 2010], avec ce petit plus de proposer cette fois une exposition Dickens au château. Pour ce faire ont été conviés des artistes britanniques, bien sûr, à jouer la musique anglaise ainsi que la nôtre, de même que des instrumentistes français qui croisent ici ces deux inspirations.

Après un début placé sous les protections de Blow, Lawes, Locke, Molière, Purcell et Shakespeare, la Tour Vagabonde – structure entièrement démontable, copie du Globe Theater aux proportions plus modestes, construite en 1996 aux Ateliers de l’Orme (Treyvaux) – nous accueille pour ce week-end médian du festival, et c’est par un concert de l’excellent Nasch Ensemble que nous découvrons le lieu, vendredi soir. Le baryton Christopher Maltman étant souffrant, le programme se trouve légèrement modifié. C’est avec un grand enthousiasme expressif qu’est engagée la Marchedes Three Divertimenti (pour quatuor à cordes) de Britten, servie par une précision sans faille que transmet avec une présence fort impactée l’acoustique de la Tour. Dans une respiration attentive, la Valsesuivante bénéficie d’une approche élégante, tandis que Burlesque – où l’on perçoit à quel point Britten connaissait son Schubert par cœur, même à y mêler de fantasques espagnolades – virevolte joyeusement.

Si la musique de Britten n’est plus une rareté par chez nous, celle de son maître Frank Bridge demeure nettement moins jouée. Dans une sonorité sombre, Lawrence Power (alto) installe les Three Idylls H.67 (pour quatuor à cordes) dans une gravité saisissante (Adagio molto expressivo). Les effectifs entrent progressivement dans la phrase, ne dérogeant pas à une profondeur mêlée de souvenirs dramatiques ici rendue par une tendresse troublante. Un nouveau thème « ouvre la tête », chasse quelques instants les nuages. Un remarquable travail de la couleur domine l’Allegretto central, conduit par le violoncelle de Paul Watkins, l’œuvre se concluant dans unAllegro con moto que les quartettistes contrastent subtilement.

Après trois extraits des Années de pèlerinage de Liszt, le pianiste Ashley Wass accompagne David Albermann (violon) dans quelques pièces d’Elgar au lyrisme postromantique appuyé, la soirée se concluant dans une exécution primesautière du Quatuor en fa majeur de Ravel.

Le trio baroque français Amarillis, que nous entendons régulièrement et toujours avec plaisir [lire notre chronique du 31 mai 2008 et notre critique CD (vivaldi 6, en lien avec vivaldi 4 à rééditer itou)], explore dimanche après-midi la folie qu’il articule dans un programme binaire (Femmes fatales et Folie d’amour) qui s’attache au XVIIIe siècle anglais et français tout en lorgnant sur la fin du siècle précédent à travers des pièces qui font entendre l’influence italienne. Doté d’un grave envahissant, le soprano Chantal Santon ouvre le menu par un air de Frescobaldi, Cosi mi disprezzate, qu’elle sert avec sensibilité. Quelque chose, cependant, semble ne pas vouloir prendre, dans le grain de la voix ; cette sensation revient dans Lucrezia, la cantate de Händel, dont la qualité interprétative n’est pas à mettre en doute. Tout s’éclaire dès que la voix chante en anglais : c’est la langue italienne qui ne lui est pas favorable, tout simplement. Pourquoi ? Ne cherchez pas, « c’est comme ça », il arrive que des langues aiment plus ou moins des voix sans qu’on le puisse expliquer vraiment. Et il se trouve qu’en anglais, Chantal Santon s’impose aisément. Ces Purcell sont de petits bijoux. Mais plus encore, c’est dans la cantate française qu’elle fait florès. Le désir n’a de cesse de corrompre la pureté, on le sait : c’est bien ce que raconte Paet Syrinx, légende dont s’est emparée avec génie Michel Pignolet de Monteclair. Félicitons Héloïse Gaillard (flûtes et hautbois), Annabelle Luis (violoncelle) et Violaine Cochard (clavecin) qui, outre d’adroitement soutenir les moments vocaux, livrent des sections instrumentales de grande tenue (Clarke, Händel, etc.).

BB