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Chroniques
Entre chien et loup
spectacle musical de Georges Aperghis
Créée cet automne à l’Opéra de Nancy, cette nouvelle pièce de Georges Aperghis, retravaillée à partir de Zwielicht, a voyagé dans nos banlieues durant un bon mois grâce à la saison itinérante Opéra en Île-de-France. Nous assistons à la dernière représentation.
Retrouvailles avec l’univers poétique du compositeur, où se mêlent avec talent humour, métaphore, rite et critique, traversant des textes didactiques de Klee, de Goethe et d’autres, ainsi que la fameuse Lettre au père de Kafka. La mise en scène de Daniel Lévy semble s’être laissé parfaitement inspirer par les réminiscences d’anciens spectacles et par le climat particulier aux ouvrages d’Aperghis. Nous ne sommes pas éloignés de Commentaires en ce qui concerne un certain mode déambulatoire sur le plateau, par exemple. Et, comme d’habitude, certains procédés sont inséparables de la production de sons elle-même. Ainsi de la chute de ce qu’on ne sait être minuscules billes de plomb ou plus simplement lentilles sur une toile tendue, récupérées dans des récipients de tailles et de matériaux divers. De même la participation théâtrale des instrumentistes poursuit-elle le chemin tracé pendant des années de recherche depuis Bagnolet
La lenteur habite ce spectacle, un grand calme ironique proche de Sextuor. Il est également traversé d’images saisissantes de beauté et de justesse d’expression, comme (pour n’en citer qu’une) cette robe rouge qu’on descend des cintres, qu’on fait tremper sur scène dans un baquet et qu’on suspend dans un grand bruit d’eau.
Le soprano Donatienne Michel-Dansac, coutumière du répertoire d’aujourd’hui, créatrice de pièces de Gérard Pesson et Philippe Manoury, et qui participe régulièrement aux créations d’Aperghis (Sextuor, Machinations), ajoute sa présence un brin foldingue, maîtrisant certaines attaques typiques du style de l’auteur qui n’ont rien d’aisé. La contribution du baryton Lionel Peintre est moins lyrique. Sa voix est avant tout utilisée en ce qu’elle porte d’une façon bien à elle, mais on aurait difficulté à parler ici de chant véritable. Sa tendance naturelle au cabotinage, du reste consciemment exploitée, s’affiche parfois jusqu’à plus soif, au point de fragiliser le fil du propos général.
C’est l’Ensemble S:i.c. qui, en fidèle de la faconde d’Aperghis, prête son concours à cette représentation. Le jeu de Françoise Rivalland impressionne, la révélant autant bonne comédienne qu’elle est excellente percussionniste. Après Bagnolet, puis Nanterre et Strasbourg et de nombreuses créations dont Tristes Tropiques, c’est aujourd’hui Nancy qui accueille le compositeur en résidence. L’on y attend avec impatience une Tempête annoncée pour 2005.
BB