Chroniques

par marc develey

Erich Wolfgang Korngold et Gustav Mahler
Philippe Aïche, Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach

Salle Pleyel, Paris
- 10 octobre 2007
le compositeur austro-américain Erich Wolfgang Korngold (1897-1957)
© dr

Composé milieu des années quarante et dédié à Alma Mahler, le Concerto pour violon en ré majeur Op.35 d'Erich Wolfgang Korngold déploie, en début de soirée, le mélange de ses inspirations croisées. Musique « hollywoodienne », si l'on veut, habitée d'une thématique et d'un traitement musical qu'on associe volontiers au cinéma d'outre-Atlantique, mais inscrite tout autant, et sans contradiction, dans le fil des fidélités harmoniques du dernier XIXe siècle – à une époque où l’Europe a pourtant tourné résolument le dos à ces « musiques d’entier consentement tonal », comme le rappelle Marcel Marnat dans la brochure de salle.

L’engagement lyrique du violon de Philippe Aïche délivre l’esprit d’une écriture qui peut se montrer parfois précieuse (deuxième mouvement) ou plus robustement « pompier », à l’occasion du vigoureux Finale par exemple. Très justement discret durant le Moderato cantabile, plus densément présent dans les dernières caracoles de l’œuvre, l’Orchestre de Paris offre au soliste un interlocuteur attentif et non sans finesse, notamment dans le mystérieux Andante (n’était le départ retardé des vents). Le tout se montre de fort correcte tenue.

En seconde partie de soirée, la Symphonieen ré majeur n°1 de Gustav Mahler esquisse une filiation entre deux écritures également traversées d’une nostalgie faite kitsch – cette ironie plus ou moins assumée d’un rapport tendre et secrètement féroce à l’immortalité de l’enfance et de la jeunesse. Si la baguette de Christoph Eschenbach s’y montre honnête, encore est-ce sans miracle. Le lacis des plans sonores, clair dans les moments d’intensité moindre, s’écrase dans la vigueur un peu lourde de certains tutti. L’ensemble a de la peine à trouver son unité, tant les lieux de la partition, fugacement et diversement habités, relèvent souvent de la juxtaposition anecdotique plus que de l’entremêlement constructif/déconstructif propre à l’écriture mahlérienne. Le travail de l’orchestre ne reste cependant pas sans qualités, les cordes se montrant à la hauteur des couleurs misterioso de l’ouverture, de l’élégance dansante du deuxième mouvement ou de l’intensité du dernier. Particulièrement sensibles dans le Langsam initial, les entrées trop souvent décalées des bois n’empêchent d’apprécier leur tissage d’un dialogue fluide avec les autres pupitres (au cours de la marche funèbre, notamment).

Honorable ensemble, donc ; mémorable, sans doute pas.
Mais, si on peut la regretter, on ne saurait légitimement reprocher à la droiture d’un travail la légèreté alléguée de son résultat. Encore faut-il que les attentes – l’idéal donc – qui motivent toute préparation de la mémoire soient justement partagées. Question de vivre-ensemble. Question de musique, en l’occurrence.

MD